Après avoir fait plusieurs interviews des acteurs de la SVOD française il y a bientôt quatre ans, nous inaugurons aujourd’hui une nouvelle salve d’interviews. Ce coup-ci, nous nous intéressons aux acteurs du format physique en France et nous commençons par BADLANDS qui se définit ainsi :
Badlands est un éditeur indépendant de films (ou de programmes), inédits ou rares, en vidéo ainsi qu’une société de production audiovisuelle.
Badlands Edition a pour vocation de dénicher, d’exhumer des trésors oubliés du 7ème art et de dévoiler les talents de demain afin de partager, avec passion, la (re)découverte d’œuvres atypiques et éclectiques.
Chaque titre sera enrichi d’un travail éditorial soigné et respectueux accompagné d’une interactivité riche et pertinente pour vous immerger dans l’univers du film et prolonger l’expérience cinématographique de manière ludique et intelligente. Car Badlands, c’est aussi une société de production audiovisuelle.
Les membres de Badlands Production sont issus du prestigieux webzine du cinéma 1kult.com. L’équipe de Badlands écrit et réalise intégralement ses programmes audiovisuels professionnels, mettant à profit l’expertise rédactionnelle, journalistique, technique et complémentaire de ses trois associés.
Pour répondre à nos questions, nous avons contacté celui qui gère BADLANDS à bouts de bras, Guillaume PERRIN, et il s’est longuement confié à nous.

Tout d’abord, merci de nous avoir accordé cette interview. Pourriez-vous présenter Badlands à ceux qui ne vous connaitrez pas, nous parler de votre parcours et comment vous en êtes venu à l’édition ?
G.P. : Je n’ai pas fait d’études liées au cinéma mais j’ai toujours été passionné et émerveillé par les images de manière générale, cinéma, animés, mangas, … Je me suis équipé assez tôt d’une vraie TV HD, avec un lecteur blu-ray, et je me renseignais sur les blu-ray qui étaient de bonne qualité. Afin de partager un peu mon expérience de ce nouveau médium, j’ai participé au forum de feu HD-Vision où je faisais des critiques et analyses totalement subjectives des blu-ray que j’achetais. C’est comme ça que j’ai rencontré Sylvain Perret, créateur du webzine 1kult.com, et Anthony Plu. On s’est très vite lié d’amitié, on a participé de manière très active au webzine 1kult. Sylvain travaillait pour une boite de prod et, comme ils étaient équipés de caméras, on a utilisé ce matériel pour 1kult. On ne parlait pas de blockbusters mais plutôt de tous ces cinémas qui nous passionnaient, du cinéma muet en passant par le cinéma étranger quel qu’il soit, de toutes les époques et origines. On donnait également la parole à des gens de l’ombre, comme des personnes qui restauraient des films, des monteurs, … mais aussi des réalisateurs dont les films n’étaient pas beaucoup mis en avant.
A un moment, on a eu une frustration de parler de films de festivals que les gens ne pouvaient pas voir, car souvent indisponibles en vidéo. Un concours de circonstances a fait que j’ai fait les frais d’un licenciement économique et j’en ai profité pour créer Badlands avec mes amis Sylvain et Anthony. Par la suite, Sylvain est allé travailler chez Gaumont en tant que chargé d’édition. Il reste associé à Badlands mais ne travaille pas dessus. Anthony a été monteur vidéo chez Canal J, Orange OCS, France TV, … Je gère à 90% Badlands, bien qu’Anthony m’aide pour le montage de certains bonus.

Voilà donc comment est né Badlands. Mais il y a également des rencontres, comme celle avec Stéphane Derdérian, proche de Gaspar Noé ou Lucile Hadzihalilovic, créateur de la société d’édition et de distribution Liliom Audiovisuel qui avait par exemple édité « La Bouche de Jean-Pierre » en VHS. Des liens se sont créés, et lorsque Lucile Hadzihalilovic s’est lancée dans la restauration de son film La Bouche de Jean-Pierre, on a décidé qu’il serait notre première édition.
Pour la charte graphique, nous avions comme référence HK Vidéo. On a contacté Paola Boileau, qui était leur designeuse, c’est pour cela que la charte graphique de nos éditions fait penser à celle des premiers DVD sortis chez HK Vidéo. On ne savait pas comment faire de l’édition à la base. On savait certes faire des bonus vidéo, mais on ne connaissait pas le monde de l’édition. On est allé prendre des conseils auprès de gens du milieu qu’on avait interviewé pour 1kult, comme Olivier Scamps (Neo Publising) ou Stéphane Bouyer (Le Chat Qui Fume). J’ai tout appris sur le tas, mais on avait la chance d’être bien entourés.
Bien que je gère Badlands presque tout seul, cela n’enlève pas l’importance qu’ont à mes yeux Sylvain et Anthony, qui m’apportent un soutien moral et à qui je soumets énormément de choses pour alimenter ma réflexion, soit pour me conforter dans mes choix, où au contraire me pour soumettre de nouvelles idées. Ils ont également été un énorme soutien pour arriver à trouver un équilibre entre Badlands, qui était un side-job, mon travail principal, et ma vie personnelle. Et clairement, sans eux, je n’en serais pas là.

Bien que vous ayez sortis des films comme La Bouche de Jean-Pierre ou L’Attaque des fourgons Blindés, l’essentiel de votre catalogue se compose de films asiatiques. Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre intérêt pour les cinémas d’Asie ?
G.P. : Quand j’étais plus jeune, mon père est parti travailler en Asie (Hong Kong, Taïwan et Singapour) et j’allais le voir pendant les grandes vacances. Je ne sais pas si c’est directement lié, mais c’est forcément indirectement lié dans le sens où tu t’imprègnes de la culture asiatique. Quand je regardais la télé, je tombais sur Il Était une Fois en Chine avec Jet Li ou Big Brother de et avec Jackie Chan. Ma génération (1982) a été biberonnée aux animés du Club Dorothée et de La 5, et quand déjà tu es ébahi par les scènes d’action de ces animés, quand tu retrouves ça dans le cinéma Hongkongais, tu te dis que c’est une dinguerie. Je pense que le point de départ vient de là.
Anthony a la même appétence que moi pour le cinéma asiatique. Sylvain également, mais pour lui, ce sont plus des auteurs comme le Sono Sion des débuts. Avec Anthony, on a regardé beaucoup de cinéma asiatique. J’allais déjà acheter des VCD dans des boutiques parisiennes telles que Musica ou Tonkam, que je regardais après avec des amis même lorsqu’ils n’étaient pas sous titrés. J’écumais également pas mal de festivals qui passaient des films asiatiques, comme le Festival Paris Cinéma qui avait projeté en 35mm, en fonction des années, les films de Bruce Lee, des Shaw Brothers, des Jackie Chan, des classiques du cinéma coréen (Kim Jin-Woon, Bong Joon-Ho, … ), … ou encore la rétrospective Johnnie To à la Cinémathèque. C’est là où j’ai vu les trois films que je vais éditer prochainement (voir plus bas). J’ai également pu voir à la Maison de la Culture du Japon de Paris La Bête Elégante, c’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de le sortir.

Vous êtes une toute petite structure, pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous procédez pour choisir vos films et les éditer ? Quels sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
G.P. : La Bouche de Jean-Pierre, c’est Sylvain qui a eu l’idée, parce qu’on a été amené à rencontrer sa réalisatrice qui a été ravie qu’on s’intéresse à son film. On a travaillé main dans la main avec elle pour élaborer les bonus. On a contacté des gens comme Jan Kounen ou Christophe Gans pour qu’ils en parlent et ce projet a fédéré énormément de gens. Lucile nous a fait confiance et a apprécié notre travail sur cette édition, jusque dans la charte graphique qui mixe à la fois l’inspiration HK Vidéo mais aussi celle de l’affiche du film lui-même. Une belle collaboration.
Pour L’Aiguille, c’est Sylvain et Eugénie Zvonkine qui ont vu le film au Festival de Vesoul, en présence du réalisateur. Ils m’ont conseillé de voir absolument le film, d’autant plus que le réalisateur vit en France du côté de Tours. On a négocié directement avec le réalisateur et on a essayé de faire la plus belle édition possible, toujours dans un respect de l’œuvre, avec l’aval du réalisateur, et avec le meilleur contenu possible afin de prolonger l’œuvre.

Pour Hell’s Ground, c’est une production de Pete Tombs de chez Mondo Macabro avec qui on s’était lié d’amitié via 1kult. Il nous a fait cadeau du film, à condition de le restaurer, et on a fait un gros travail éditorial avec par exemple un gros documentaire sur le cinéma fantastique indien. Pour la jaquette, j’ai fait appel à Guillaume Griffon, dessinateur des BD Billy Wild ou Apocalypse sur Carson City, et son style visuel percutant que j’aime beaucoup, pour un résultat jaillissant, foisonnant, propre aux affiches des films d’exploitation des années 70 et 80.

Pour les Yūzō Kawashima, comme je l’ai dit auparavant, j’ai découvert donc La Bête Élégante à la MCJP. J’avais vu qu’il y avait eu un festival au Japon où La Bête Élégante avait été restauré en 4K, et je me suis dit que j’allais essayer de contacter la Kadokawa car la mise en scène du film m’avait littéralement subjuguée et c’est ce qui me parle essentiellement dans le cinéma. Ils m’ont proposé un prix assez exorbitant pour un seul film, mais ils m’ont proposé de voir deux autres films du réalisateur avec la même actrice principale et j’ai été tout aussi bluffé. Là, on a cassé la tirelire de Badlands, au point qu’il ne restait plus que 2000€ sur le compte, avec une offre pour les trois films, bien plus raisonnable, si bien qu’on a sorti les trois, les deux autres étant Le Temple des Oies Sauvages et Les Femmes Naissent Deux Fois.

L’Attaque des Fourgons Blindés, c’est Stéphane Bouyer du Chat Qui Fume qui m’a donné le contact d’un vendeur de films australien par lequel j’ai directement négocié, et c’est Mehdi Bounnah, un ami du lycée avec qui je regardais certains films asiatiques et avec qui j’ai gardé contact, qui me l’avait conseillé en me disant que c’était tout ce que j’aimais, un film sec, brutal. Dans mes recherches, j’apprends qu’un festival l’a passé il n’y a pas longtemps et que donc il existe une récente copie 4K détenue par Umbrella.

Pour Steel Flower, Bastian Meiresonne, qui est dans les bonus, connait très bien le réalisateur et il nous a mis en contact avec lui et IndieStory, la société de production. La femme d’Anthony étant coréenne, ils ont noué des liens directement avec le réalisateur. On a pu avoir leur confiance et ils ont accepté de nous vendre les droits, sachant qu’Anthony avait pu voir Steel Flower et Second Life au Festival du Film Coréen de Paris et m’avait dit de les voir car ils pourraient me plaire. Pour Second Life, j’ai contacté la société Fine Cut et ils ont été ravi qu’on veuille sortir le film. Ces deux films ne sont même pas sortis en blu-ray en Corée du Sud.

J’essaie quoi qu’il arrive avant, pour faciliter la tâche, de savoir s’il existe un master 4k ou 2k Sans ça, ça ne sert à rien demander les droits car on ne fait pas de restauration, seulement du nettoyage de films.
Une des difficultés, c’est qu’on découvrait comment faire les choses, mais comme on était bien entourés, ça nous permettait d’avancer. L’autre principale difficulté, c’est que c’est un side-job, donc quand tu rentres chez toi, tu n’as pas nécessairement la force, le courage ou le temps à y consacrer. Et puis, il y a les aléas de la vie professionnelle et de la vie privée qui prennent le pas et qui font que les projets mettent parfois des années à sortir entre le moment où on a signé les droits et le moment où on sort le film. Dans la fabrication de l’objet, il n’y a pas vraiment de difficultés, tout le travail éditorial a juste besoin de temps. Le plus complexe est de trouver les droits, de les dealer à un prix raisonnable. Aujourd’hui encore, il est difficile de s’aligner avec certains gros éditeurs indépendants. Nous ne sommes pas prioritaires pour l’accès aux films car nous sommes un petit éditeur indépendant avec l’historique qu’on a et qu’on n’a pas forcément les finances pour accéder aux droits de ces films, les magnifiques copies 4k coutant cher, tout simplement.
Il suffit que j’ai des choses qui me préoccupent à côté pour que ça me prenne plus de temps. De plus, comme nous sommes une petite structure et que nous faisons appel à des indépendants qui vont travailler sur leur temps libre, tout en étant rémunéré mais peut-être moins que leur activité principale, eux aussi nous font passer parfois logiquement au second plan. Il faut donc arriver à jongler avec tout ça.

Sortir des films méconnus du grand public, c’est aussi lié à nous goûts personnels, à notre travail qu’on faisait déjà sur 1kult, et c’est lié aussi à notre économie Badlands. Nous rentrons dans nos frais mais nous ne nous payons pas, ça nous permet de réinvestir les droits, de ne pas perdre d’argent, et du coup de pouvoir prendre davantage de risque puisque notre objectif au départ n’était pas de gagner de l’argent mais juste rentrer dans nos frais. Cela, couplé au fait que notre petite structure n’a pas forcément la renommée des plus gros éditeurs, fait que nous sommes obligés d’aller fouiller dans des contrées un peu plus obscures et de sortir des films plus confidentiels. Mais on essaie malgré tout de sortir des films que nous considérons comme des petites pépites, de belles œuvres qu’il faut faire découvrir.
Bien évidemment, on est comme tous les éditeurs et il y a plein de films qu’on tient à sortir, mais auxquels on n’a pas accès financièrement. Parfois, ce sont d’autres éditeurs qui les ont pris avant nous et il faut savoir jouer avec la concurrence et le fait qu’on n’ait pas la même envergure et les mêmes moyens. Ce sont également parfois les goûts personnels qui rentrent en compte, pas forcément la recherche d’un film commercial, et qui vont décider ce vers quoi nous allons nous intéresser. Le métier de l’édition de manière générale, si tu veux en vivre, c’est un mélange de beaucoup de choses. Il faut savoir sortir des films qu’on aime, il faut avoir des opportunités pour pouvoir sortir des films qui pourraient cartonner pour faire rentrer de la trésorerie. Mais en même temps, il faut aussi maintenir un rythme pour pouvoir avoir de l’argent toute l’année et dans ces cas-là, il faut accepter de prendre des titres peut-être moins bons pour pouvoir alimenter tout le long de l’année notre catalogue. Il faut jongler avec ça si on est une boite d’édition normale, qui se rémunère. Nous, on n’en est pas encore là, c’est un side-job, donc ça nous permet de sortir des choses vraiment confidentielles et continuer sur cette lancée. Je ne sais pas si, plus tard, je ne serais pas amené à avoir le même modèle que les autres.

Les films japonais ont une fan-base assez solide en France, est-ce que des films comme La Bête Elégante, Le Temple des Oies Sauvages et Les Femmes Naissent Deux fois ont réussi à trouver leur public ?
G.P. : C’est amusant parce que, au départ, je choisis de sortir des films japonais totalement méconnus, d’un cinéaste quasi inconnu. Si tu prends tous les livres références sur le cinéma japonais, tous les dictionnaires sur le japon, … ils sont cités très rarement alors que c’est un immense cinéaste considéré comme un maitre dans son pays. C’est pourquoi, les bonus que nous avons fait sont là pour essayer de le réhabiliter. J’ai fait ce pari là et c’est aussi également pour ça que je ne souhaitais pas faire un coffret, d’autant plus que nous revenions dans le « game » après une longue période sans n’avoir rien sorti à cause d’aléas personnels et professionnels qui nous ont empêché de surfer sur l’engouement de la sortie de La Bouche de Jean-Pierre. Du coup, c’était risqué de sortir un coffret à 75€ d’un cinéaste japonais pas connu étant donné que nous même nous n’étions pas très connus. Faire des éditions individuelles permettait de donner envie d’acheter les autres à quelqu’un qui en aurait aimé un des trois. Ça permettait de laisser le choix aux gens. Cela a plutôt bien fonctionné et, petit plaisir personnel, ça m’a permis de faire trois éditions différentes avec trois visuels différents. Cela fait aussi plus de titres dans le catalogue.
On a eu que des bons retours sur les films et je suis ravi d’avoir permis de faire découvrir ce réalisateur et ces films. Aujourd’hui, on arrive à la fin du stock et je pense que l’an prochain, les titres seront épuisés.

L’Attaque des Fourgons Blindés est un classique oublié du cinéma australien et nous vous remercions de l’avoir rendu disponible en France en en blu-ray. Le cinéma australien des années 70 et 80 est un vivier de petites pépites qui mériteraient une bien belle édition, allez-vous vous pencher sur ce cinéma ?
G.P. : Oui, il y a plein de choses à faire en Australie. On a une liste avec Anthony et Sylvain de films qu’on aimerait sortir, et il y a plein de films qui sont sortis depuis, à la fois chez des éditeurs partenaires comme Long Week-End, un film australien, qui est une pépite. Ça a été une claque, je voulais vraiment sortir le film, mais au final c’est Le Chat qui Fume qui l’a sorti dans une très belle édition. Et il y a plusieurs films comme ça qui sont sortis chez d’autres éditeurs. Du coup, c’est plus compliqué de trouver des films et l’Australie a déjà été pas mal défrichée même s’il reste encore des choses à faire évidemment. Le tout est de savoir s’il y a de bonnes copies.
L’Attaque des Fourgons Blindés a bien moins marché sur les films japonais. Est-ce que cela incite ou pas à continuer, je ne sais pas, ça dépendra des opportunités qui se présentent à nous. Mais c’est vrai qu’il y a encore à faire avec ce cinéma-là, et que ce soit nous ou d’autres éditeurs, je pense qu’il y aura encore des choses qui vont sortir plus tard.

Vous avez mis la Corée à l’honneur avec Steel Flower et Second Life, deux excellents films qui nous ont beaucoup plu à DarkSideReviews. Comment s’est passé le développement de ces deux éditions ?
G.P. : Je l’ai un peu raconté auparavant. Les films coréens, déjà, ce sont des films récents, ils ne pouvaient pas rentrer dans la collection 1kult qui reste axée sur les films de patrimoine qu’on juge être essentiels, que cela soit dans la filmographie du cinéaste ou dans l’histoire du Cinéma de son pays ou de l’histoire du Cinéma tout court. Par exemple, pour moi, les trois comédies de Johnnie To que nous allons sortir, les gens ont des préjugés sur elles, mais pour moi ces comédies sont très importantes dans la filmographie de To. Selon moi, elles sont des laboratoires expérimentaux de mise en scène, c’est complètement barré. Évidemment, l’humour cantonais est propre à Hong Kong et pourrait ne pas plaire à des gens qui ne sont pas familiers avec, mais ça n’en reste pas moins des films importants dans la carrière de Johnnie To et pour moi de supers films. Mais je digresse…
En tout cas, pour les films coréens, c’était des films récents, des « petits » films sans que cela soit péjoratif. Ce ne sont pas des films essentiels, et du coup ils s’inscrivent plutôt dans la collection « Badlands ». Avec Steel Flower et Second Life, on souhaitait montrer une autre facette du cinéma coréen qui est essentiellement connu par le biais de ses grands cinéastes, qui sont reconnus à l’international, et par des genres bien identifiés (polar, horreur, fantastique, …). C’est un cinéma très dynamique, il y a beaucoup de films indépendants, et j’avais envie de montrer ces films qui pour moi sont des supers films. Malheureusement, aujourd’hui, malgré le succès des K-dramas, il n’y a plus le même engouement pour les films coréens et il y a beaucoup moins de sorties, même de blockbusters, chez les gros éditeurs, ou alors ça sort directement sur les plateformes. On savait que c’était un risque, mais on ne voulait pas que ces films n’aient pas le même traitement que ceux de la collection 1kult et donc le soin apporté aux éditions est le même que celui apporté à la collection 1kult. On a tenu à mettre une jaquette réversible, ainsi que des livrets pour prolonger l’expérience du film. On le savait mais avec Hell’s Ground, c’est ce qui fonctionne le moins depuis les débuts de Badlands. Mais on espère qu’au fur et à mesure, les gens vont se laisser tenter et découvrir ces deux petits films qui sont en plus à un petit prix comparé au reste.

Prendre des risques semble être votre marque de fabrique, mais sortir trois comédies du studio Milkyway de Johnnie To alors que le public raffole bien plus de leurs polars, c’est quand même assez « couillu ». Comment s’est fait ce choix ? Est-ce une volonté de faire découvrir d’autres genres auxquels le studio s’est frotté ?
G.P. : Je l’ai déjà un peu dit avant, on les a découvert lors de la rétrospective Johnnie To de 2007 à la Cinémathèque Française. Les gens disaient que Johnnie To tournait des films commerciaux et que ces comédies n’avaient aucun intérêt, mais je vais voir des films sans aucun préjugé et j’ai été bufflé. Help !!! est un film complètement dingue, il y a un rythme effréné, et c’est totalement cartoonesque. C’est une satire assez virulente du monde hospitalier de l’époque, car c’était un sujet qui réapparaissait dans les actualités hongkongaises. My Left Eye Sees Ghosts est un très beau film sur le deuil, qui le fait avec humour et délicatesse, et d’un seul coup il va basculer dans un mood totalement émouvant. Et Fat Choi Spirit, c’est assez incroyable de mettre en scène des parties de mah-jong comme des duels de western, musique morriconienne à l’appui. La mise en scène de Johnnie To fait tout et nous montre une philosophie de vie à travers le mah-jong dans une des grilles de lecture du film. Fat Choi Spirit aligne des gags très bien trouvés, faisant parfois écho à autre chose (Andy Lau qui se sert un thé de la marque dont il a été le représentant, …).
Les Johnnie To, oui, c’est un risque, mais en fait, comme ce que j’ai fait précédemment, je n’ai pas envie d’aller vers là où tout le monde est allé, j’ai envie de sortir des inédits, j’ai envie de faire découvrir des choses aux gens. C’était peut-être commercialement plus intéressant de sortir les polars de Johnnie To sortis chez Le Chat Qui Fume ou chez Spectrum Films, en effet, commercialement c’est moins risqué. Mais ce sont des films qui sont déjà sortis en DVD, qui sont connus, qui sont sortis aussi en blu-ray à l’étranger. Moi je souhaite montrer des choses inédites et donc j’ai souhaité montrer ces films de Johnnie To qui m’ont bluffé à l’époque, que je considère aussi ludiques et fous que ses polars, et c’est ça qui me touche et qui m’importe. Ça me permettait aussi de travailler avec Sean Longmore, un artiste illustrateur que j’aime beaucoup, pour les visuels des éditions, et je pense que le résultat est beau. Je voulais également travailler avec Arnaud Lanuque, qui nous a fait l’interview du scénariste et du monteur. Il nous a également offert un bonus pour nous expliquer le mah-jong. Voilà ce qu’il en est de ce choix des Johnnie To et j’espère continuer sur cette lancée de faire découvrir des versants peut-être plus obscurs de cinéastes connus avec des œuvres que je considère toutes aussi importantes que les œuvres plus connues de leur filmographie.

Y a-t-il des films que vous aimeriez vraiment éditer mais pour lesquels c’est impossible dans l’immédiat ? Si oui, lesquels et pourquoi ?
G.P. : Comme beaucoup, on souhaitait sortir tous les John Woo, qui étaient impossible à sortir jusqu’à récemment. Après, je ne vais pas citer de titres, mais il faut savoir que si vous faites attention aux sorties, il y a très peu d’éditeurs qui sortent des films de la Warner, de la Fox, et de Sony, parce que ces studios ne souhaitent plus sous-licencier. Donc, il y a énormément de films chez eux que les éditeurs veulent sortir, peut-être qu’un jour ça se décantera, et seuls quelques éditeurs qui travaillent de manière historique avec ces distributeurs arrivent encore à sortir quelques titres, mais c’est assez rare.
Oui, il y a tellement de films qu’il faudrait sortir. Je pense à un cinéaste japonais que j’aime beaucoup, il y a d’ailleurs eu une rétrospective à la cinémathèque il n’y a pas longtemps. Je ne dis rien, comme ça les gens feront leurs recherches. Je souhaitais sortir cinq films de ce réalisateur, cinq titres inédits dans le monde, mais malheureusement, à priori, les droits auraient déjà été acquis pour la France.
Autre cas que je souhaitais sortir, par exemple les films de S. S. Rajamouli (RRR), le film Eega que j’ai découvert en version intégrale (la version Netflix est coupée) au Festival de Cannes, mais impossible à sortir. De même pour Baahubali du même réalisateur, mais c’est bien que ça arrive chez nous sous la houlette de Carlotta.
Oui, il y a plein de choses qu’on souhaite éditer mais pour lesquelles c’est impossible.

Vous avez édité un livre, Une Histoire de Cinéma de Quartier, en collaboration avec un autre éditeur, Carlotta Films. Vous travaillez également avec Le Chat Qui Fume pour la distribution de vos titres. Est-ce que d’autres projets avec d’autres éditeurs sont en prévus ? Et si oui, pour quel genre de sorties ?
G.P. : Je suis ravi que vous posiez cette question sur les collaborations entre éditeurs car ça va me permettre de clarifier un point. On a édité un livre avec Carlotta, écrit par Sylvain Perret, créateur de 1kult.com et responsable éditorial chez Gaumont donc. Sortir des bouquins, c’était un souhait de Sylvain depuis très longtemps, et pas seulement des bouquins qu’il écrit. Il voulait se lancer dans la réédition de romans ou de livres autour du cinéma. Je lui avais dit que j’étais OK de le faire avec Badlands, mais que je ne pourrais pas gérer cet aspect car j’avais déjà assez à faire avec la gestion de la société et l’édition vidéo. C’est donc Sylvain qui s’en est occupé et je n’ai pas de regard là-dessus.
Alors, pourquoi cette collaboration avec Carlotta ? C’est parce que Sylvain souhaitait que les livres soient distribués partout (Fnac, Leclerc, …) et je ne gère pas la distribution de livres car ce sont deux types de distribution différents, et car à l’époque, on n’avait pas de société de distribution. Aujourd’hui, on a Mad Distribution pour être distribué dans les grandes enseignes. Et donc Sylvain cherchait à soit éditer son livre directement chez quelqu’un d’autre, soit à le coéditer, et Carlotta a accueilli avec joie la proposition de Sylvain qui a géré ça. En tant que gérant de Badlands, j’étais là pour tout ce qui est accord entre les éditeurs, mais ce n’est pas qui ait décidé. Un autre livre sur George Lautner a été annoncé pour 2026.
En ce qui concerne la collaboration avec Le Chat Qui Fume, c’est une aide extrêmement précieuse depuis le tout début de la création de Badlands, en tant que conseil, soutien, aide. Dès que j’ai une question, je me dirige vers Stéphane Bouyer qui n’est jamais avare pour partager son expérience, pour nous conseiller, et je dois dire également que sans son soutien, je n’en serais pas là aujourd’hui et je ne l’en remercierai jamais assez pour ça. Si on arrive à survivre et plus tard à vivre, c’est parce que Le Chat Qui Fume nous aide à MDC Films et Badlands, et nous met en avant sur sa boutique. Une aide incommensurable et précieuse et au final, ce n’est pas réellement une collaboration mais une famille et moi, oui, j’aimerai peut-être plus tard faire d’autres collaborations au niveau de la vidéo. Ça peut être envisageable, on verra…

Pourriez-vous nous parler de vos projets à venir et/ou nous donner quelques petites informations exclusives « croustillantes » ?
G.P. : Pour ce qui est des projets à venir, je peux évoquer des projets sans les citer. On va sortir un film français de la fin des années 60, assez barré. On va sortir aussi un film américain des années 90. On devrait sortir d’autres films venus du Kazakhstan. C’est tout ce qu’il y a dans les tuyaux pour le moment.
Un dernier mot pour la route ?
G.P. : Déjà, merci du soutien de DarkSideReviews et pour cette interview. C’est vrai qu’aujourd’hui, on connait la conjoncture économique, on sait que les gens ont moins de pouvoir d’achat, j’en fais partie donc je comprends tout à fait. Il y a de plus en plus d’éditeurs, mais c’est vrai que nous ce qu’on aimerait, c’est être d’avantage identifié, d’être d’avantage suivi, pas forcément suivi par un achat, mais c’est vrai que de voir qu’il y a un engagement des gens sur les réseaux sociaux, qui nous suivent, qui réagissent, voire qui nous soutiennent en faisant des achats, c’est super. Mais si déjà ils suivent notre travail, on sera ravi. C’est génial qu’il y ait plein d‘éditeurs car ça propose énormément de films qui ne seraient jamais sortis autrement, et il y aura sans doute d’autres éditeurs à venir, mais c’est vrai que du coup c’est difficile de vivre dans la conjoncture économique actuelle (ça ce n’est pas la faute des éditeurs). Au moins de voir que notre travail est suivi et apprécié, avec un engagement sur nos pages et nos réseaux sociaux, on est ravis de ça. Donc n’hésitez pas à nous rejoindre dessus.

Nous remercions infiniment Guillaume Perrin et Badlands pour le temps qu’il nous a accordé. Merci encore pour tout leur travail et longue vie au format physique.
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Retrouvez également ci-dessous la liste des titres sortis par Badlands avec, pour certains, les liens vers nos chroniques :
- La Bouche de Jean-Pierre – 1996 – France
- Hell’s Ground – 2007 – Pakistan / Royaume-Uni
- L’Aiguille – 1988 – Union Soviétique
- La Bête Élégante – 1962 – Japon
- Le Temple des Oies Sauvages – 1962 – Japon
- Les Femmes Naissent Deux Fois – 1961 – Japon
- L’Attaque des Fourgons Blindés – 1978 – Australie
- Second Life – 2018 – Corée du Sud
- Steel Flower – 2015 – Corée du Sud
- Help!!! – 2000 – Hong Kong (A venir)
- My Left Eye Sees Ghosts – 2002 – Hong Kong (A venir)
- Fat Choi Spirit – 2002 – Hong Kong (A venir)



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