
Michel et Cathy, un couple usé par le temps et les difficultés financières, ne se parlent plus vraiment. Jusqu’au jour où Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture et tue les deux occupants. 2 morts et 2 millions en billets usagés dans le coffre, forcément, ça donne envie de se reparler. Et surtout de se taire.
Avis de Cherycok :
Qu’on se le dise, Franck Dubosc, ça n’a jamais été ma tasse de thé. Il ne m’a jamais fait particulièrement rire, ni en tant qu’humoriste, ni en tant qu’acteur. Je n’ai d’ailleurs jamais compris le délire du « On n’attend pas Patrick ? », réplique célèbre du Camping de Fabien Onteniente dans lequel il incarne le personnage de Patrick Chirac. En tant que réalisateur, j’avoue avoir fait l’impasse sur son premier et deuxième film, respectivement Tout le Monde Debout (2018) et Rumba la Vie (2022), pour les raisons cités ci-dessus. Et pourtant, au visionnage de la bande annonce de son troisième film, Un Ours dans le Jura, quelque chose a titillé ma curiosité. Voyez-vous, j’ai un faible pour les films qui s’inspirent du cinéma des frères Coen, en particulier de Fargo, et là on semblait être en plein dans le mille, un polar matinée de comédie noire avec des personnages de loosers, un sac d’argent, des morts, le tout dans des paysages enneigés. Alors oui, j’étais curieux, et j’ai bien fait de l’être, car même si Un Ours dans le Jura n’est pas le film du siècle, ça fait du bien de voir un Franck Dubosc tenter quelque chose de différent, lui qui se vautre depuis deux décennies dans la comédie franchouillarde facile.
Si je dis qu’Un Ours dans le Jura s’inspire du Cargo des frères Coen, car parce que Dubosc ne s’en cache clairement pas. Mieux encore, son film s’assume comme tel car il sait de toutes façons qu’il ne pourra pas berner ceux qui ont un minimum de culture cinéphilique. C’est certain, avec ce film, il risque de perdre en route les amateurs de Camping, Incognito, Boule et Bill et autres Barbecue qui ne vont pas retrouver le Dubosc qu’ils connaissent, mais il va recupérer ceux qui vont braver l’impensable et tenter l’expérience. Mais force est de constater que ça a marché puisque le film a presque fait 1.5 millions d’entrées, a eu un bon bouche-à-oreilles et a même surpris les critiques professionnels avec une histoire un brin surréaliste, aussi bien dans son pitch de départ que dans la façon dont c’est amené, mais qui pourtant fonctionne. Déjà, elle fonctionne parce que son casting est tout à fait dans le ton. Exit ici le personnage souvent cabotin de Dubosc, on sent qu’il cherche à faire les choses bien. Il campe un personnage crédible, un peu couard, mais reste sobre du début à la fin. Laure Calamy offre, come très souvent, une performance impeccable dans ce rôle de mère au foyer qui semble porter tout le poids du monde sur ses épaules, entre un enfant un peu compliqué et un mari avec qui elle ne se comprend plus. Poelvoorde, comme Dubosc, ne se lance pas non plus dans un jeu qui peut rapidement être agaçant. Au contraire, il fait dans la sobriété et le résultat est plein de justesse. Au final, ce sont tous les personnages, du plus important au plus petit second rôle, qui sont suffisamment bien écrit pour qu’à aucun moment ils ne fassent tâche au milieu de ce thriller comico-horrifique. Ils en deviennent même attachants, touchants pour certains, et on sent un réel amour de Dubosc pour eux. Les dialogues qui leur sont proposés font souvent mouche, et certains de leurs échanges, ou de leurs silences prêtent clairement à sourire, Dubosc poussant parfois le curseur de la situation malaisante juste ce qu’il faut pour amener un humour pince-sans-rire semblant parfois sorti du cinéma nordique. On ne rigole jamais aux éclats, là n’est pas le but du film, mais les péripéties parfois improbables de ces personnages souvent maladroits, prenant souvent les mauvaises décisions, sont réellement amusantes.
Un Ours dans le Jura fonctionne également grâce à son cadre, cette petite ville du Jura perdue au milieu de la montagne, isolée de tout, comme arrêtée dans le temps, sous cette neige qui lui donne un aspect un peu rugueux, mais qui pourtant va nous donner de très beaux paysages et un cadre parfait pour ce genre d’histoires. Ça fonctionne aussi grâce à son scénario. Certes, c’est du déjà vu, mais cet enchainement de morts qui viennent sans cesse alimenter une situation qui dépasse notre petit couple de loosers a quelque chose d’assez réjouissant, surtout dans le paysage cinématographique français. Alors il est clair que le film a quelques ventres mous, et 1h53, c’était peut-être un peu trop long pour ce qu’Un Ours dans le Jura raconte au final. Et paradoxalement, certains évènements du dernier acte semblent un peu trop précipités comme si Dubosc n’avait pas su comment réellement gérer l’emballement final que doit avoir ce genre de films. Mais ça fonctionne malgré tout car le film n’est jamais moralisateur envers ses personnages. Leurs actes clairement répréhensibles, mais pourtant ils retranscrivent parfaitement les relations humaines, en abordant par exemple la thématique du couple qui se perd, ou celle de l’entraide quand l’amitié prend le dessus. Car malgré le côté improbable de certaines choses, comme le fait que pas grand monde ne semble s’inquiéter que certains personnages disparaissent, avec etre autres l’absence totale de couverture médiatique de ces disparitions à une époque où les médias sont omniprésents pour tout et n’importe quoi, c’est la carte du réalisme qui est ici mise en avant durant presque tout le film. Et comme c’est souvent assez grinçant, on ne va clairement pas bouder notre plaisir. Espérons juste que Franck Dubosc continue sur cette voie car après ce succès public et critique, il pourrait contribuer à un vrai retour du cinéma de genre en France. Bon, je m’avance un peu, mais ça serait bien.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ L’humour ♥ Le casting ♥ Les personnages ♥ Le cadre de l’histoire ♥ Le ton du film |
⊗ Parfois trop long Parfois trop précipité |
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Si on accepte le côté presque surréaliste de certaines situations, Un Ours dans le Jura devient rapidement une très sympathique comédie noire à l’humour pince-sans-rire souvent grinçant. Pari réussi pour Franck Dubosc, même si on n’aime pas le bonhomme. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Franck Dubosc a voulu s’essayer au film noir car c’est un genre qui se rapproche plus de ses goûts de spectateur. Il affirme que ce film n’est pas un virage dans sa carrière, mais plus une émancipation. Mais, même s’il a voulu se faire plaisir, il était conscient que ça allait dérouter son public habituel, et a donc parfois atténué la violence à l’écran.
Titre : Un Ours dans le Jura
Année : 2025
Durée : 1h53
Origine : France
Genre : Il Etait une Fois les Frères Coen
Réalisateur : Franck Dubosc
Scénario : Franck Dubosc, Sarah Kaminsky
Acteurs : Franck Dubosc, Laure Calamy, Benoît Poelvoorde, Joséphine de Meaux, Kim Higelin, Mehdi Meskar, Timéo Mahaut, Emmanuelle Devos, Louka Meliava