[Film] The Ugly Stepsister, de Emilie Blichfeldt (2025)

Dans un royaume où la beauté règne en maître, la jeune Elvira doit faire face à une redoutable concurrence pour espérer conquérir le cœur du prince. Parmi les nombreuses prétendantes, se trouve notamment sa demi-sœur, à l’insolente beauté.

Avis de John Roch :
Finalement, ce qui plombe les adaptations horrifiques de personnages tombés dans le domaine public, c’est qu’elles en reprennent les figures pour en faire les antagonistes de métrages qui tentent vaguement de reprendre la base qu’ils adaptent sans pour autant voir plus loin que ça, ni même proprement y parvenir. De simples slashers, ce qui est à la fois une facilité et quelque part logique, comme de faire de Cendrillon un personnage revanchard dans Cinderella’s Curse puisque l’histoire s’y prête. Vous commencez à connaître la chanson : il suffit d’une annonce pour que d’autres en pondent dans leurs coins, jusqu’en Norvège. Les adaptations horrifiques de personnages tombés dans le domaine public, c’est le nouveau sous-genre qui inonde les écrans de productions au mieux passable, alors quand arrive une autre adaptation de ce conte antique que l’on peut retrouver dans toutes les cultures et époque, de l’Asie à l’Europe en passant par une vision Amérindienne, étudiée sous un angle folklorique ou psychanalytique, le première chose serait de se retourner et de fuir loin. Mais jusqu’ici, aucun de ces films n’a pu se vanter d’être sélectionné à Sundance et à Berlin, et encore moins de voir plus loin qu’une vulgaire réappropriation opportuniste. Oui, le monde des adaptations horrifiques de personnages tombés dans le domaine public tient ici son premier vrai bon film, une réinterprétation intéressante du conte de Cendrillon du nom de The Ugly Stepsister.

Si il reprend l’essentiel du conte, The Ugly Stepsister ne fait pas de Cendrillon le personnage principal mais se concentre sur un autre point de vue, plus précisément sur l’une des belles sœurs qui tout comme Cendrillon rêve du prince charmant et se verrait bien danser avec lui au bal. Cependant, comme le titre du métrage l’indique, la belle sœur est laide mais son mariage reste le seul espoir pour sa mère vénale de faire fortune après que le père de Cendrillon, ruiné, soit décédé en ne lui laissant que des dettes. Pour mettre toutes les chances de son coté, elle va donc dépenser ce qui lui reste de richesse pour entamer une transformation physique de sa fille. Si The Ugly Stepsister reprend le conte en changeant de point de vue, il ne l’oublie pas pour autant et reprend fidèlement les événements connus de tous : Cendrillon va être réduite en esclavage par sa belle-mère, sa belle sœur jalouse de sa beauté va l’empêcher d’aller au bal où elle ira perdre sa chaussure car elle doit rentrer avant minuit et trouvera le prince charmant à la fin. Mais ce qui intéresse la réalisatrice Emilie Blichfeldt, dont c’est le premier film, c’est Elvira, la vilaine belle sœur du titre, qui lui permet de traiter le conte de Cendrillon sous l’angle du body horror. Réinterprétation féministe, le film parle à travers la transformation de son personnage d’image de soi, de normes de beauté, de la forme de pression sociale que peut représenter le mariage et même de boulimie. Des thèmes déjà vu certes, mais qui s’intègrent parfaitement au conte de Cendrillon auquel il se veut être fidèle donc malgré quelques maladresses (la citrouille… sans commentaires).

Si The Ugly Stepsister s’en sort bien sur un plan scénaristique, ça pèche en revanche un peu coté technique. Malgré un budget limité, le métrage ne fait jamais cheap, mais il faut reconnaître que la mise en scène manque d’ambition. Passé une idée de mise en scène et une pincée de mouvements de caméra, elle ressemble d’avantage à un téléfilm. Dommage, mais si la réalisation est très sage et abuse de gros plans, les quelques scènes chocs demeurent efficaces grâce à la prestation de Lea Myren. Actrice de télévision, elle trouve ici un rôle qui démontre que la jeune femme a du talent en faisant de son personnage une femme à la fois naïve et rêveuse, mais aussi acquise à la cause de la quête de la beauté idéale et de l’acceptation au sein d’une société qui en découle, source d’un personnage tragique qui est un véritable miroir de Cendrillon, à l’inverse que pour elle son destin est loin du happy end attendu. Les adaptations horrifiques de personnages tombés dans le domaine public, c’est une jungle dont il faut faire le tri pour en voir les choses les plus intéressantes (du moins sur le papier), pour ne pas se tromper de film (ça a l’air con, mais depuis Popeye ça aide) et espérer tomber sur un bon film loin de l’opportunisme facile qui se repose sur un buzz acquis d’avance pour exister. C’est désormais chose faite avec The Ugly Stepsister, qui montre que ce nouveau sous-genre au ratio bon-mauvais film alarmant peut renfermer de bonnes choses.

Titre : The Ugly Stepsister / Den stygge stesøsteren
Année : 2025
Durée : 1h49
Origine : Norvège
Genre : Horreur
Réalisateur : Emilie Blichfeldt
Scénario : Emilie Blichfeldt
Acteurs : Lea Myren, Ane Dahl Torp, Thea Sofie Loch Næss, Flo Fagerli, Isac Calmroth, Malte Gårdinger, Ralph Carlsson, Katarzyna Herman