[Film] The Hit, de Stephen Frears (1984)

Lors d’un procès, Willie Parker a fait plonger ses partenaires de crime. Récompensé par une remise de peine, il s’est exilé en Espagne. Dix ans plus tard, il est kidnappé par deux tueurs à gages qui ont finalement retrouvé sa trace. Leur mission : le ramener en France pour l’exécuter devant son ancien partenaire qui veut se venger de sa trahison.

Avis de Cherycok :
Stephen Frears est un réalisateur présent depuis plus de cinq décennies dans le paysage cinématographique et audiovisuel. 79 récompenses, autant de nominations, il n’a plus grand-chose à prouver. Ses films les plus connus sont clairement Les Liaisons Dangereuses (1988), Héros Malgré Lui (1992), The Van (1996) ou encore High Fidelity (2000), mais d’autres de ses films valent qu’on s’y attarde, comme Liam (2000), Dirty Pretty Things (2002), Philomena (2013) ou encore The Hit (1984), le film qui nous intéresse aujourd’hui, présenté pour la première fois en France au 6ème Festival du film et du roman policier à Reims en 1984, son deuxième film de cinéma après de nombreux téléfilms durant les années 70 et au début des années 80. The Hit, c’est un film noir qui, de l’aveu même de Stephen Frears, s’inspirerait du cinéma de Truffaut, Jean Vigo ou encore Melville avec une envie de faire quelque chose ressemblant à Le Samouraï de ce même Jean-Pierre Melville. En tout cas, une chose est sûre, c’est que The Hit est une bien belle réussite et qu’il semble être très sous-estimé.

S’inspirant du récit « Parker Adderson, Philosophe » (1891) écrit par l’écrivain et journaliste américain Ambrose Bierce, The Hit est apprécié de nombreux cinéastes, en particulier Wes Anderson qui estime qu’il s’agit du 5ème meilleur film anglais de tous les temps, mais aussi de Oliver Stone qui a par exemple casté Terence Stamp pour son Wall Street (1987) suite à sa fabuleuse performance dans The Hit. Le fait que le film joue la carte du road movie lui permet de donner du temps au développement de ses personnages et de créer des liens entre eux, en particulier ce trio composé d’un homme, aujourd’hui installé en Andalousie, qui, il y a 10 ans, lors d’un procès, a balancé ses acolytes lors d’un procès, un gangster de longue date, parfois sadique, et un jeune gangster fougueux. Des relations très intéressantes vont apparaitre entre la présence presque glaciale de John Hurt (1984, Alien), le presque comique Tim Roth (Pulp Fiction, Les 8 Salopards) et le souvent silencieux Terence Stamp (Superman, Wall Street). Leurs interactions vont former à l’écran un mélange d’évènements assez fascinant. A aucun moment ils ne tombent dans le caricatural et arrivent à rendre ces personnages authentiques. Il s’agit d’ailleurs du premier rôle de Tim Roth au cinéma pour lequel il a été nominé aux BAFTA pour le prix du meilleur espoir masculin, prix qu’il a remporté au Evening Standard British Film Award. The Hit met d’avantage l’accent sur ses personnages que sur l’action qui, lorsqu’elle apparait, se fait intense. Le rythme y est tranquille, le film prend son temps, se fait bavard mais jamais trop bavard, et il arrive toujours à maintenir l’attention malgré ton rythme languissant et lancinant.

Le scénario est une belle réussite, imprévisible et souvent malin, en particulier avec ce qui est fait de cette police étonnement silencieuse, dont les dialogues sont toujours en fond, afin qu’on ne se sache jamais ce que les inspecteurs se disent, comme si Stephen Frears voulait que nous soyons spectateur de loin, comme sur une scène de crime où les rubalises empêchent d’approcher et d’entendre et qu’on devait s’imaginer ce qui se dit réellement. Mais c’est sans doute surtout afin qu’on ne se concentre que sur le trio principal, que sur ce qu’il se passe entre eux, et même la présence de la jolie Laura Del Sol (Carmen, Tôt ou Tard) ne vient jamais perturber cela. Le calme de Terence Stamp face à la mort est assez déconcertant parce que pourquoi courir quand on se peut se diriger vers la tombe avec élégance et sans effort, mais on comprend vite comment il parvient à manipuler ses ravisseurs et, quelque part, à en faire ce qu’il en veut lors de ce « voyage ». Bien entendu tout ne se passera pas comme prévu et le dénouement restera incertain jusqu’à la fin, une fin qui pourra paraitre quelque peu précipitée et incohérente mais qui pourtant est parfaitement raccord avec le reste du film. Bien que le film pourra paraitre un peu vieillot pour certain, la mise en scène de Stephen Frears est précise et élégante, avec des angles de caméra intelligents afin que les nombreuses scènes se déroulant dans la voiture ne soient pas redondantes. Les décors dans lesquels évoluent les personnages sont très bien filmés, avec une photographie essayant de retranscrire la chaleur presque étouffante des régions espagnoles qui sont traversées, comme si la chaleur avait « cramé » les couleurs. Le tout est accompagnée d’une superbe bande originale, du générique signé Eric Clapton et Roger Waters, aux musiques flamenco signées Paco de Lucia.

Titre : The Hit / The Hit – Le Tueur était Presque Parfait
Année : 1984
Durée : 1h38
Origine : Angleterre
Genre : Road Trip
Réalisateur : Stephen Frears
Scénario : Peter Prince

Acteurs : Terence Stamp, John Hurt, Tim Roth, Laura Del Sol, Jim Broadbent, Lennie Peters, Bernie Searle, Albie Woodington, Manuel De Benito, Willoughby Gray