
Un an après les crimes de Woodbsoro, l’histoire se répète. Sidney Prescott, une des réelles survivantes du premier massacre, s’est inscrit à la fac de Windsor où elle apprend l’art dramatique, avec son ami Randy. Mais avec ce nouveau fait divers, la jeune femme prend peur et ne peut à nouveau plus faire confiance en personne.
Avis de Seyren :
C’est assez difficile d’écrire objectivement sur un film de notre jeunesse. Scream 2 est une suite que je n’avais pas aimée lors de la sortie. Et pourtant, à le revoir aujourd’hui, est-ce le film qui a su, avec la maturité, me montrer ses qualités ? Où est-ce seulement ma nostalgie qui lui fait grâce ?
Car oui, j’ai passé un très bon moment devant Scream 2. Etant déjà une fervente inconditionnelle du premier volet, je constituais certes un terrain fertile pour qu’une suite me plaise, mais j’avais également de grosses attentes. Comme toute la génération des années 90, je suis née avec les films d’horreur, et surtout les slashers. J’ai grandi avec Freddy, Michael Meyers, Jason Voorhees et surtout Ghostface. Tout autant d’œuvres qui ont su définir et respecter les codes propres au genre. Respecter ? Si on y réfléchit, dès le premier opus, Ghostface venait déjà chambouler tout le canevas démocratisé par Carpenter. La dimension structuraliste de Meyers, que l’on pouvait, en somme, retrouver chez Jason ou Freddy, prend une toute autre tournure pour Scream. Nous ne sommes plus seulement poursuivis par une entité maléfique, conceptuelle, assez peu défini, non… Elle a un visage, elle a une raison et SURTOUT elle est proche de nous. De slasher nous passions à Whodunit (1), un subtil mélange d’horreur et de policier qui nous faisait rester à l’affut de chaque regard, chaque émotion de chaque personnage dans le cercle d’amis intimiste qui constituait Scream. Et c’est justement ce mélange là que Scream 2 a du mal à gérer. J’avais encore en mémoire cette fin catastrophique. Une surenchère gratuite, hystérique, qui selon moi ne tenait pas la route, et qui de mémoire avait ridiculisé tout le film. Je suis toujours restée sur cette impression, alors que j’étais en réalité, passé à côté. Passons tout d’abord en revue ce que je reprochais à cette suite.
Déjà, la fin. Elle est chaotique, grotesque et terriblement mal orchestrée. En un sens parce qu’elle met en scène une vengeance facile, prévisible et très mal pensée, mais surtout gratuite. Mickey le psychopathe n’a aucune motivation et s’éloigne drastiquement des traumas justifiés d’un Billy Loomis. Quant à sa mère… On est au fond du trou et on creuse. La multiplicité des personnages venait aussi gâcher l’aspect que j’ai évoqué : le Whodunit. Littéralement « qui a fait ça? », cette variante policière que Craven avait instigué dans le premier volet, immergeait le spectateur dans la recherche effrénée du coupable. Cette suite nous présente trop de personnages divers, qui n’ont pour la plupart pas de réels impacts sur l’histoire et nombre de leurs interactions sont clairement sans intérêt. Nous nous retrouvons donc dans l’incapacité totale, à l’instar du premier, de soupçonner qui que ce soit tant les interventions sont multiples. Revenons enfin sur ce qui, selon moi, est une des principales erreurs du film : La mort de Randy. Moteur essentiel de la narration, Randy était véritablement une incarnation du syndrome de Wak (2), synthétisait toutes nos connaissances cinématographiques en matière de genre et pouvait en ce sens faire le lien entre le spectateur et la diégèse de son univers. Ses réflexions donnaient du sens à ce qui se passait à l’écran et permettait de nous faire analyser le fait que le film se pense lui-même film… Le supprimer fut une erreur fatale à la série, qui ne cessera de s’en excuser notamment à travers son intervention en vidéo dans le troisième volet et tous les ersatz de geeks qui le suivront.
Et pourtant, après cette liste de terribles erreurs, une fois pardonnées, Scream 2 fonctionne (oui oui je vous assure). Le cinéma reste le sujet central de l’œuvre. La création, l’écriture et son rapport au public sont de nouveau mis en avant, ce qui une fois de plus, met en abyme toute l’œuvre. Nous sommes désormais dans une université de cinéma, où se tournent des films, et au sein de laquelle se joue le film. Craven assume par ce biais que tout est fictif et que l’on regarde une fiction, qui n’est qu’en somme celle que se prépare à jouer les personnages (rappelons que c’est Scream 2 qui introduit la franchise Stab). La référence au théâtre et à son décor prend alors tout son sens. Notons également, au début du film, la discussion en classe concernant les suites. Craven présente avec dérision une « suite » dans les codes de la suite. Ne pas déroger à la règle pour mieux la contourner. Le propos est clair dès le début, aucune suite ne dépasse l’original, et le réalisateur des Griffes de la Nuit le sait. Il assume par ce biais le fait que Scream 2 n’a aucune prétention, mais offre au contraire, avec humilité, la possibilité au spectateur de poursuivre le frisson.
Egalement, comme la séquence inaugurale de Scream, qui jouait sur la popularité de Drew Barymore, c’est cette fois ci Sarah Michelle Gellar, en pleine ascension avec Buffy contre les Vampires, qui vient rejoindre le casting pour une des scènes chocs du film. Elle apparaissait déjà comme une étudiante intéressée et intéressante. Loin du cliché de la blonde écervelée, le personnage de Casey reflète une étudiante en cinéma qui assume sa féminité tout en faisant preuve de solides références (rappelons qu’avait de mourir, elle regarde Nosferatu – référence à Buffy ?). A l’image de son héroïne forte dans la série, Casey se bat contre une relation toxique, se cultive et s’occupe de ses « sœurs ». Elle est responsable, curieuse et drôle. Sa mort n’en est que plus magistrale. Et ce n’est pas le seul moment où Craven met en exergue une idée féministe. Dans le troisième opus, Sydney nous est, tout le long, présentés comme une victime, qui vit recluse chez elle. Cette expérience sera révélatrice de sa force. Elle doit se réapproprier une vie volée. On pourrait aisément faire le parallèle avec des victimes de violence, qui peine, par culpabilité et par souffrance, peine à être de nouveau maître de leur vie, de leur corps. Le second opus est un long et douloureux chemin vers la lumière qui place l’héroïne non plus en tant que personnage passif, qui voit se dérouler les évènements et dont la seule réelle action est d’être la dernière survivante, mais bien comme actrice de son propre destin. Mais tout cela, nous y reviendrons dans un prochain article, sur la fin de la trilogie…
En relisant les critiques de l’époque, j’étais surprise d’apprendre que dans la première version du scénario, Sidney devait mourir. Si on y réfléchit bien, cela aurait sans doute été une riche idée, et aurait permis à la franchise de se renouveler, sans éternellement rejouer la même histoire. Sydney Prescott aurait eu ses années de gloire, et la tuer n’aurait ainsi fait qu’assumer une logique nihiliste qui parcourt, au bout du compte, toute la saga: Tout le monde est suspect, car tout le monde est mauvais. Si la série des Scream n’est pas égale en matière de qualité, elle a cependant pour avantage de rester toujours fidèlement ancrée dans son temps. Elle allégorise à travers des personnages forts (pas seulement à travers les coupables, mais aussi et surtout les personnages secondaires) les maux d’une époque : la dérive des médias, la pression des écrans ainsi que le rapport à soi et aux autres que l’on construit à travers cet univers factice. Je regrette encore que la franchise ne se soit pas assez renouvelée, et qu’éternellement Courtney Cox s’accroche à son rôle (ce qui en fait est très raccord avec la logique de son personnage). Sydney, Gale, Dewey, Randy étaient certes l’essence des premiers opus, mais aujourd’hui la saga porte des messages qui dépassent amplement Woodsboro. J’ai hâte désormais de voir un Scream 7 qui saura être audacieux, courageux et renouvellera la série tout en gardant son essence propre à savoir : la métafiction.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ La nostalgie d’une époque ♥ Une réflexion pertinente sur le média qu’est le cinéma ♥ Le passage de la victime à celle qui agît ♥ Figure féminine intéressante |
⊗ Des personnages qui manquent de fond ⊗ Un dénouement absolument mauvais ⊗ Un scénario malgré tout assez bancal |
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Scream 2, sans prétendre être un chef d’œuvre, est une suite qui tient la route. Alors certes si les « méchants » sont grotesques, le propos reste intéressant, ainsi que globalement la réflexion sur notre société qu’il propose au travers d’un écran qui n’a de cesse d’influer sur elle. |
(1) Récit d’investigation policière à laquelle le lecteur/spectateur est amené à participer
(2) Théorie rédigée par Franck Lafond dans son ouvrage Joe Dante – Lart du je(u). Référence au personnage de l’extraterrestre de son film Explorers (1985), qui répète tout ce qu’il voit et entend à la télévision. Le réalisateur construit ses films sur toutes les images qui l’ont marqué.
Titre : Scream 2
Année : 1997
Durée : 2h00
Origine : U.S.A
Genre : Slasher / Horreur
Réalisateur : Wes Craven
Scénario : Kevin Williamson
Acteurs : Neve Campbell, Courtney Cox, David Arquette, Jada Pinkett Smith, Omar Epps, Paulette Patterson, Rasila Schroeder, Heather Graham, Roger Jackson