[Film] Rêves Sanglants, de Roger Christian (1982)

Un malade mental suicidaire, The Sender, transforme ses terribles cauchemars en réalité en choisissant des récepteurs pour ses pensées démentes à l’hôpital du coin.

Avis de Cherycok :
Le nom de Roger Christian est aujourd’hui « connu » pour avoir réalisé un des plus gros étrons de la galaxie cinématographique, l’immonde purge infâme Battlefield Earth (2000) avec John Travolta, un échec cinématographique de tous les instants. Mais Roger Christian, c’est aussi de bien meilleurs films, comme les sympathiques Nostradamus (1994), Compte à Rebours (1995) ou encore Masterminds (1997). Mais c’est aussi et surtout un premier film bien trop méconnu, peut-être son meilleur à vrai dire, qui va connaitre une seconde vie par chez nous puisque Rimini nous sort un combo DVD / blu-ray de bien belle tenue dans leur collection Horreur. L’occasion pour moi de vous parler de Rêves Sanglants, un film que tous les amateurs de bobines horrifiques se doivent de voir au moins une fois, tant il a pas mal de bien belles qualités à revendre, et surtout parce qu’il propose quelque chose de bien différents comparé aux nombreux films d’horreur de l’époque qui surfait beaucoup sur la mode des slashers. C’est d’ailleurs peut-être ce qui a causé sa chute à sa sortie…

Récompensé d’un oscar pour les décors du premier Star Wars, puis pour son court métrage The Dollar Bottom en 1981, le nouveau projet de Roger Christian intéresse forcément rapidement les studios, en l’occurrence la 20th Century Fox, qui voit là l’occasion de se faire un peu d’argent en pleine période slashers. Mais voyant que Roger Christian ne comptait clairement pas faire un film qui rentrait dans cette mouvance, la Fox finit par jeter l’éponge alors que la production allait commencer. C’est la Paramount, pourtant pas spécialement intéressée par le film, qui le récupère quand même mais qui ne fait pas grand-chose pour accompagner le jeune réalisateur comme il se doit, allant même jusqu’à saborder le film en ne lui donnant qu’une sortie très limitée en salles. Pourtant, le film en a clairement dans le ventre, à commencer par un scénario intéressant, une équipe technique qui tient la route et des acteurs impliqués. Certains cinéastes très connus, tels que George Miller, Guillermo Del Toro ou encore Quentin Tarantino ont même avoué qu’ils sont de grands fans de Rêves Sanglants. Pour certains, ce dernier est considéré comme faisant partie d’un cycle de films qui traitent de la télékinésie et de la pyrokinésie, comme Carrie (1976), Furie (1978), Patrick (1978), Scanners (1981), Dead Zone (1983) ou encore Firestarter (1984), même s’il semble plutôt préfigurer les thèmes du rêve, de l’hallucination et du brouillage de réalité qui sont devenus à la mode après le succès du premier Freddy, Les Griffes de la Nuit (1984) et plus particulièrement du 3ème film. Wes Craven serait apparemment un grand amateur du travail de l’écrivain Thomas Baum, qui est le scénariste du film Rêves Sanglants, ce qui explique peut-être cela. Mais assez de disgressions et revenons-en à Rêves Sanglants dont le scénario est inspiré de la propre vie de Thomas Baum, ce dernier ayant grandi avec une mère trop protectrice et souffrant d’agoraphobie. Rêves Sanglants est un film bien plus solide et adulte que beaucoup d’autres films du genre du début des années 80, une époque ou les tueurs masqués étaient légion. A vrai dire, nous sommes ici dans quelque chose qui fleure bien plus les années 70 que les années 80, avec une bobine plus calme, plus réfléchie, ce qui du coup donne encore plus d’impacts aux scènes plus choc.

Rêves Sanglants est donc un thriller psychologique étrange et intrigant qui va jouer avec la perception qu’à le public de ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. La bande son, composée par le célèbre Trevor Jones (Le Dernier des Mohicans, Dark Crystal), est très inspirée, renforçant l’ambiance parfois étrange du film. L’ensemble est filmé dans de superbes tons néons et Roger Christian parvient à rendre l’horreur cauchemardesque vraiment réaliste. Le concept du film, à savoir ce personnage qui « envoie » ses cauchemars à d’autres personnes qui l’entourent, a un côté vraiment dérangeant. Certaines scènes sont très marquantes, en particulier certains rêves / visions, à l’instar de cette séance d’électrochocs à l’hôpital psychiatrique à la mise en scène assez hallucinante, ou lorsque les nombreux miroirs se brisent, laissant échapper des coulées de sang. Les effets spéciaux sont d’ailleurs assez impressionnants pour l’époque et permettent au film d’être encore plus captivant, arrivant à nous scotcher sans mal à notre siège. Ces séquences de rêves éveillés sont toutes réalisées de main de maitre et vont jouer sur un certain nombre de peurs humaines fondamentales grâce à un scénario intelligemment dérangeant et sombre. Il règne une ambiance assez mélancolique dans le film et, plus il va avancer, plus il va devenir tragique. C’est ce qui va permettre au spectateur de s’identifier au personnage de John Doe 83 qui subit plus que quiconque son « pouvoir » et surtout cette thérapie. Une vie violée et brisée qui nous amène de l’empathie pour ce personnage. L’ensemble du film est traité avec un réel sérieux et le rythme est habilement géré pour maintenir le suspense. On pourra reprocher au film d’être, passé le premier acte, un peu trop prévisible, avec des rebondissements qui du coup n’ont pas toujours l’effet escompté. Mais finalement qu’importe car le divertissement proposé tient la route du début à la fin et ne nous fait pas ressentir cette impression de redite qu’on a parfois lors qu’on regarde un énième slasher de cette époque.

LES PLUS	LES MOINS
♥ Des scènes mémorables ♥ Une bonne mise en scène ♥ La bande originale ♥ Un casting intéressant ♥ Les effets spéciaux	⊗ Un peu trop prévisible ⊗ Manque un peu de développement
Malheureusement tombé dans l’oubli, Rêves Sanglants est pourtant un bon film d’horreur psychologique à la mise en scène maitrisée, à l’ambiance étrange, et aux scènes chocs mémorables. Un bon cru du début des années 80 !

Titre : Rêves Sanglants / The Sender
Année : 1982
Durée : 1h31
Origine : Angleterre / U.S.A
Genre : Rêves ou cauchemars
Réalisateur : Roger Christian
Scénario : Thomas Baum

Acteurs : Zeljko Ivanek, Kathryn Harrold, Shirley Knight, Paul Freeman, Sean Hewitt, Harry Ditson, Olivier Pierre, Tracy Harper, Al Matthews, Marsha Hunt