[Film] L’Auberge du Printemps, de King Hu (1973)


Durant les derniers jours de la dynastie Yuan, des révolutionnaires luttent contre la dictature mongole. Parmi eux, Wang Jun est le plus téméraire. Pour protéger un plan de bataille, il se réfugie à l’auberge du printemps sous une fausse identité. Grâce à un traitre, le ministre de la défense Lee Khan prend connaissance du plan. Accompagné de sa sœur et de sa garde rapprochée, il se rend à l’auberge pour le subtiliser.


Avis de Cherycok :
Au début des années 70, King Hu est déjà un réalisateur incontournable. Son Dragon inn, L’Auberge du Dragon par chez nous, a tout explosé au box-office, Come Drink With Me / L’Hirondelle d’Or de même, et son A Touch of Zen a remporté le Grand Prix à Cannes. Après la grandeur de ce dernier, le réalisateur revient à quelque chose qu’il apprécie particulièrement depuis le début de sa carrière, le huis clos dans une auberge avec une intrigue bien menée et des femmes qui manient des épées. L’Auberge du Printemps, The Fate of Lee Khan de son titre anglais, revient donc aux sources, à croire que King Hu aime bien les films se déroulant dans un lieu quasi unique dans lequel vont se croiser tout une galerie de personnages qui ont des choses à cacher et qui vont finir par s’affronter dans un combat épique duquel tout le monde ne sortira pas vivant. C’est une fois de plus une réussite, confirmant si on ne le savait pas déjà que King Hu était à cette époque le maitre du wu xia pian.

Une fois de plus, King Hu met un grand coup de fouet au genre wu xia pian, amenant de nouveaux types de cadrages, de nouvelles façons de mettre en scène l’action, et une nouvelle façon de découper celle-ci. Les affrontements sont vivement stylisés et King Hu recherche clairement une forme d’art dans ses affrontements. On a parfois l’impression d’assister à des ballets, avec ces personnages qui, armes à la main, s’entrecroisent sans cesse à l’image en même temps qu’ils croisent le fer. Malgré son âge vénérable de plus de 50 ans, L’Auberge du Printemps est toujours d’une beauté assez saisissante et il y a clairement un gap de production value avec la plupart des films de la Shaw Brothers de l’époque, du moins visuellement parlant. L’intrigue est très similaire à celle de son magistral Dragon Inn, puisqu’elle met en scène une myriade de voyageurs, de soldats, d’espions et d’employés qui interagissent tous dans l’auberge du titre, située dans le nord de la Chine. Tout le monde fait preuve de politesse, mais on se rend compte très vite que tous cachent des choses, que ce soit des ambitions politiques, ou des compétences en arts martiaux. Le scénario ne se précipite pas pour laisser au spectateur le temps de se familier avec l’endroit et l’ensemble est réellement sophistiqué, avec ces personnages qui manigancent d’un côté, et d’autres personnages qui comprennent ces manigances et qui vont en jouer. Une fois que tout se met en place, le film devient extrêmement tendu avec des jeux de regards et des dialogues percutants qui nous font comprendre que tout cela va bientôt exploser dans un affrontement final qui s’annonce épique. Certes, on pourrait avoir cette impression de redite avec L’Auberge du Dragon avec cette bande de rebelles et ce puissant fonctionnaire qui vont se retrouver dans la même auberge et se lancer dans une bataille sans merci, mais qu’importe, ça fonctionne du début à la fin.

L’Auberge du Printemps est clairement divisé en deux parties bien distinctes. La première, assez légère, voire pleine d’humour, décrit la vie dans cette auberge, sa population, ses habitudes, et en profite pour nous présenter les nombreux personnages et leurs petites péripéties. La deuxième, qui débute avec l’arrivée du personnage de Lee Khan (celui du titre en VO), bascule dans tout autre chose avec une forte tension qui vient chasser les petites blagues et les numéros de pitrerie de certains personnages un peu clown. Une multitude de personnages vont se croiser dans cette auberge, tous interprétés par une galerie d’acteurs impeccables. On y retrouve une myriade d’acteurs et actrices connues des années 70, mais surtout quelque chose qu’apprécie King Hu, des femmes fortes, qui tiennent tête aux hommes et qui n’hésitent pas à prendre les armes, voire à se sacrifier pour la cause, représentées ici par ce quatuor de combattantes menées par une tenancière au fort caractère. Malheureusement, toutes ne sont pas parfaitement utilisées, tout comme certains personnages masculins qui semblent un peu de trop. Il y a également un léger souci sur le personnage de Lee Khan. Il nous est présenté comme le méchant par les rebelles, mais au final, il n’est pas particulièrement despotique et nous ne savons pas ses réelles motivations. On nous met du côté des rebelles qui nous disent que c’est le méchant et c’est pour cela que c’est le méchant. On aurait aimé un peu plus de substance à son sujet pour en faire un réel antagoniste marquant. Il y avait eu jusque-là quelques petites passes d’armes très rapides, rares mais efficaces, avec une violence surgissant presque de nulle part et repartant aussi vite qu’elle est venue. Mais la très longue bataille rangée finale, la seule se passant à l’extérieur de l’auberge, est réellement excitante. Les forces en présence sont nombreuses, divisées en plusieurs groupes, et King Hu va passer de l’un à l’autre, en entremêler certains, pour un résultat final assez jouissif. Si ce final marque, c’est en partie grâce à Sammo Hung qui est derrière les scènes d’action et qui commençait déjà à avoir de la bouteille sur ce poste puisqu’on lui devait les scènes d’action d’excellents films tels que The Fast Sword (1971), Lady Whirlwind (1972), Hap Ki Do (1972) ou encore When Taekwondo Strikes (1973).

LES PLUS LES MOINS
♥ La galerie de personnages…
♥ Visuellement beau
♥ Le léger humour de la 1ère moitié
♥ La tension de la 2ème moitié
♥ Le long final
⊗ … pas tous bien exploités
⊗ Au final assez classique

Bien qu’il ne soit pas le meilleur film de King Hu, L’Auberge du Printemps est un wu xia pian à recommander sans hésitation. Son lieu quasi unique, ses personnages hauts en couleurs, son intrigue intelligente en font un divertissement de choix.


L’AUBERGE DU PRINTEMPS sort le 6 juin 2025 chez Metropolitan / HK Video en blu-ray au prix de 24.99. Il est possible de le précommander / acheter : ICI

En plus du film, on y trouve :  Entretien avec Helen Ma (25min), Bandes annonces.



Titre : L’Auberge du Printemps / The Fate of Lee Khan / 迎春閣之風波
Année : 1973
Durée : 1h46
Origine : Hong Kong / Taïwan
Genre : L’auberge de tous les dangers
Réalisateur : King Hu
Scénario : King Hu, Wong Chung

Acteurs : Tien Feng, Hsu Feng, Roy Chiao Hung, Pai Ying, Han Ying-Chieh, Li Lihua, Angela Mao, Hu Chin, Helen Ma, Shang-Kuan Yan Erh, Ng Min-Choi, Wei Ping-Ao

The Fate of Lee Khan (1973) on IMDb


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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