[Film] La Nuit Des Maléfices, de Piers Haggard (1971)

Angleterre, 18è siècle. Un jeune homme affirme avoir vu la marque du diable dans un champ qu’il labourait, mais le juge du comté refuse de le croire. Les évènements étranges se multiplient et les villageois sombrent peu à peu dans la terreur.


Avis de John Roch :
Au début des années 70, la Hammer est en perte de vitesse. L’horreur gothique et les grandes figures de fantastique n’attirent plus autant de spectateurs, et la concurrence émerge pour proposer quelque chose de nouveau dans le cinéma de genre British. Il y a la Amicus et ses films à sketchs bien sûr, mais aussi d’autres sociétés de production moins citées tels Tigon, qui a pourtant apporté sa pierre à l’édifice avec Le Grand Inquisiteur. Ce film, avec La Nuit Des Maléfices et The Wicker Man est le point de départ de ce qui sera défini par la suite comme la folk horror, sous-genre qui situe les intrigues dans un cadre rural témoin d’événements surnaturels liés à la religion et aux pratiques occultes. Ne bénéficiant pas à l’époque de la réputation sulfureuse du Grand Inquisiteur, ni du statut de film culte gagné par The Wicker Man au fil du temps, La Nuit Des Maléfices est quelque peu tombé dans un oubli dont il mérite de sortir et d’être considéré à sa juste valeur.

Conçu à la base comme un film à sketch, le scénario de La Nuit Des Maléfices est devenu sous l’impulsion de son réalisateur, Piers Haggard, un long métrage qui condense ce qui était au départ trois histoires distinctes. Cela se ressent tout au long d’une intrigue parfois bordélique dans laquelle des personnages disparaissent, réapparaissent pour certains au contraire d’autres que l’on ne reverra plus, ou apparaissent avec une forme d’importance toute relative. Mais au final le métrage retombe sur ses pattes et forme un tout cohérent, et s’avère être plus intéressant que ce qu’il laisse penser. Dans La Nuit Des Maléfices, tout part d’un paysan qui découvre une forme étrange sous la terre en labourant son champ. Si rien n’est trouvé sur les lieux, il n’en faudra pas plus pour que les habitants du village ravivent la peur du retour de la sorcellerie dès lors qu’une série de crimes aux accents de rituels païens commencent à semer la panique au sein de cette communauté rurale. Si le fantastique garde une petite part de surnaturelle, elle est sans cesse remise en question. La diffusion du mal dans La Nuit Des Maléfices est plus maligne que ça, elle y est représentée comme une forme d’épidémie qui touche presque exclusivement les adolescents du village qui tournent le dos à la religion, opèrent un retour à la nature et développent leur propre culte, ce qui fait sens si l’on replace le film dans son époque. La Nuit Des Maléfices est un film ancré dans le début des années 70 et parle d’une société en crise dans laquelle sont confrontés le conservatisme sous plusieurs formes, ici principalement religieuse, et le progressisme qui a découlé de la libération des mœurs et l’adhésion de la jeunesse aux mouvements hippies. Dans le fond, c’est de cette fracture générationnelle dont parle le film d’une manière pour le moins ambiguë. Film de réac qui impose à la jeunesse un ordre social, moral politique et religieux ou métrage qui symbolise une génération qui veut en protéger une autre qui refuse cet ordre pré-établi pour suivre ses propres croyances quitte à basculer dans le sectarisme ?

La Nuit Des Maléfices est un film sujet à de multiples interprétations mais aussi un métrage dans la forme abouti. Pour son premier long, Piers Haggard (qui fera sa carrière essentiellement à la télévision dont le titre de gloire est Venin, le huit clôt qui enferme Klaus Kinski et Oliver Reed avec un mamba noir) fait preuve de rigueur. Déjà bien aidé par une bonne reconstitution d’époque et la belle photographie de Dick Bush (qui travaillera par la suite plusieurs fois avec Ken Russell, notamment sur Les Diables) , utilise de lents mouvements de caméra, des gros plans sur le visage des acteurs tout en jouant avec la perspective pour remettre en cause le surnaturelle de son histoire et installer une ambiance qui alterne entre beau moments d’épouvante et scènes un peu plus transgressives tel ce rituel païen qui se transforme en viol jamais complaisant mais inquiétant de par son montage maîtrisé. La Nuit Des Maléfices est une petite perle du cinéma de genre Anglais. Maîtrisé dans la forme, bénéficiant d’un fond sujet à de multiples interprétations, c’est un film qui mérite amplement d’être découvert.

LES PLUS LES MOINS
♥ L’ambiance
♥ Techniquement maîtrisé
♥ Un film sujet à de multiples interprétations
♥ Le coté transgressif du cinéma des années 70
⊗ Un scénario parfois bordélique

La Nuit Des Maléfices est une petite perle du cinéma de genre Anglais. Maîtrisé dans la forme, bénéficiant d’un fond sujet à de multiples interprétations, c’est un film qui mérite amplement d’être découvert.


La Nuit Des Maléfices est disponible en Combo Blu-ray DVD chez Rimini Editions pour 24.99€.

En plus du film, on y trouve une interview de Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma de Arte France et un livret de 24 pages écrit par Marc Toullec.



Titre : La nuit Des Maléfices / The Blood on Satan’s Claw
Année : 1971
Durée : 1h34
Origine : Angleterre
Genre : Folk
Réalisateur : Piers Haggard
Scénario : Robert Wynne-Simmons

Acteurs : Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews, Michele Dotrice, Wendy Padbury, Anthony Ainley, Charlotte Mitchell, Tamara Ustinov, Simon Williams

The Blood on Satan's Claw (1971) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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