[Film] Goyokin, l’or du Shogun, de Hideo Gosha (1969)


Retiré, Magobei Wakizaka est attaqué une nuit alors qu’il avait décidé de vendre son sabre. Vainquant facilement ses agresseurs, il obtient d’un de ces derniers, un aveu, ce sont des hommes venus de Sabai, recruté par le Chambellan Rokugo Tatewaki. Magobei se souvient : il y a trois ans, un navire contenant des lingots d’or appartenant au Shogunat, sombre dans les eaux profondes de la péninsule Noro, surnommée l’antre des démons marins, le cimetière des marins. Le Chambellan Tatekawi recruta alors des pêcheurs pour récupérer les lingots du bateau échoué, en leur promettant une forte récompense. Infâme chef d’un clan endetté, il éliminera finalement tous les pêcheurs, une fois l’or récupéré. Magobei, alors beau-frère de ce dernier, s’oppose à Tatekawi et décide de quitter Sabai afin de ne pas troubler la quiétude familiale. Mais avant de partir, il obtient une promesse : de ne plus recommencer une telle vilenie.


Avis de Yume :
Goyokin est un film noir et pessimiste. Un film qui s’oppose en tous points à l’image traditionnelle du samouraï des jidai geki. En effet ici les Samouraïs sont avides, menteurs, tueurs, intéressés par leur avenir propre. Des Samouraïs sans honneur, ayant renié ce qui faisait leur force : le code du bushido. Même le héros, qui est plutôt de ce fait le personnage principal, ne déroge pas à cette règle. Ses actions ne sont guidées que par une raison : soulager sa conscience. Comme il le dit lui-même, il est déjà mort, enfin sa conscience de samouraï est morte. Il ne reste de lui qu’un corps et un sabre, lui rappelant son erreur passée. Nakadai interprète d’ailleurs magistralement ce personnage, grâce à sa stature imposante ainsi que son regard fixe et dur.

L’autre grande force de Goyokin est sa réalisation. On notera tout d’abord un scope de toute beauté, qui renforce l’esthétique des décors enneigés et sauvages. Mais ce qui frappe surtout dans Goyokin c’est le style western du film : duels silencieux en face à face, cadrages serrés sur les visages, village avec une rue principale etc… Bien sur Gosha n’oublie pas les codes du chambara, et se permet même d’ajouter à son film une introduction digne d’un film d’horreur rappelant les Oiseaux. Tout ceci concourt à donner à Goyokin un ton adulte, qui fait du film un des meilleurs chambaras.

Avis de Oli :
La première chose à m’avoir frappé, à la vision de ce GOYOKIN (outre la remarquable composition de Nakadai Tatsuya, mais c’est habituel), ce sont les nombreux points communs que compte ce film-ci avec LE GRAND SILENCE de Sergio Corbucci. Je m’en suis aperçu presque dès les premières images, dès lors je n’avais que cette référence en tête. Faut-il y chercher autre chose qu’une pure coïncidence ? Je n’en sais absolument rien, néanmoins le western de Corbucci est sorti un an avant le chambara de Gosha Hideo, mais pour connaître véritablement de l’antériorité d’une œuvre sur l’autre, encore faudrait-il savoir quel projet a été lancé en premier…

Concernant ces troublants points communs, jugez-en par vous-mêmes : deux trames assez semblables naviguant dans un pessimisme profond, un héros visiblement torturé, des plans neigeux infinis dont la blancheur est ponctuellement souillés par le sang d’innocents, des assassinats de masse, des meurtriers agissant sous le couvert de la « Loi » (chasseurs de primes mandatés par l’Etat de l’Utah dans le GRAND SILENCE, clan de samouraïs complotant pour sa propre survie et persuadé d’œuvrer pour le meilleur dans GOYOKIN). Vers la fin du film de Gosha Hideo on retrouve même cet évident parallélisme avec le western de Corbucci, puisqu’à la manière de Jean-Louis Trintignant blessé aux mains et ne pouvant plus tenir son arme, Nakadai va avoir toutes les peines du monde pour se battre efficacement et brandir son sabre avec ses doigts gelés. De plus, GOYOKIN est peuplé de plans très westerniens. La coïncidence me parait véritablement trop énorme. Pourtant avec ces deux films successifs nous avons droit à deux œuvres de haut niveau, ma préférence allant malgré tout largement au génial GRAND SILENCE, qui pousse encore plus loin le pessimisme affiché dans GOYOKIN.

LES PLUS LES MOINS
♥ L’esthétique du film
♥ L’interprétation de Tatsuya Nakadai
♥ Des scènes marquantes
⊗ D’étranges similitudes avec Le Grand Duel de Corbucci
GOYOKIN ne serait-il dès lors qu’un simple sous-GRAND SILENCE ? Je n’oserais pas avancer une pareille affirmation, car le film de Gosha mérite incontestablement le détour. Néanmoins, et qu’il s’agisse ou non d’une coïncidence malheureuse, GOYOKIN souffre quelque peu si on le compare avec le western culte de Corbucci.



Titre : Goyokin, l’or du shogun / Goyôkin / 御用金り
Année : 1969
Durée : 2h04
Origine : Japon
Genre : Chambara
Réalisateur : Hideo Gosha
Scénario : Kei Tasaka, Hideo Gosha

Acteurs : Tatsuya Nakadai, Tetsuro Tanba, Yoko Tsukasa, Ruriko Asaoka, Kinnosule Nakamura, Kunie Tanaka, Isao Natsuyagi, Kunie Tanaka, Ko Nishimura

 Goyokin: La terreur des sabaï (1969) on IMDb


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Auteur : Oli

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