[Interview] Ti Lung, rencontre avec une légende de la Shaw Brothers au festival d’Amiens 2004

Invité d’honneur lors du dernier Festival d’Amiens 2004, nous avons pu interviewer l’une des dernières légendes vivantes des studios de la Shaw Brothers : Ti Lung. Voici donc l’entretien qu’il nous a accordé.


Amiens, le 05 novembre 2004, je découvre la ville dans l’après-midi…le soir même, je rencontre Ti Lung et son épouse. Je me présente à eux, impossible de ne pas reconnaître Ti Lung, il est toujours le même homme élégant, charismatique que je connais à travers films et photos.

Au départ un peu intimidé devant lui, j’explique ma présence et précise que nous nous reverrons bientôt. Pendant la durée de leur temps de présence au Festival, j’ai la chance de rencontrer le couple chaque jour. Quand le « jour officiel » de l’interview arrive, je n’ai presque plus d’appréhension devant Ti Lung, nous nous connaissons déjà un peu. La discussion est un régal en tout points, il m’avoue être content d’avoir été invité en France, et me demande ce qui lui vaut cette honneur, cette attention particulière, je lui réponds seulement qu’il est normal pour un immense acteur d’être reconnu. A question simple, réponse simple….

Amiens, son festival, la rétrospective consacrée à Ti Lung, son accueil restent encore vivaces dans mon esprit tout comme le sera toujours mon estime pour un homme à la classe légendaire…

David Vivier (1/11/2004)


Présentation

Comment avez-vous commencé votre carrière dans le monde du cinéma ?

A l’âge de 19 ans, j’aimais beaucoup voir les films de la Shaw Brothers (SB), mon idole était Jimmy Wang Yu (la grande star à cette époque). Alors pour essayer de rentrer dans la SB , j’ai commencé à faire de la musculation en allant au gymnase, je pratiquais les techniques de wing chun afin d’être prêt pour une audition. Puis un jour, je lus une annonce dans un journal, précisant que Chang Cheh recrutait de nouveaux acteurs.

Donc vous avez été recruté par Chang Cheh lui-même.

Non pas par Chang Cheh au départ; parce que vous savez, il y avait différents réalisateurs qui travaillaient à la SB. La SB était une très grosse organisation avec beaucoup d’acteurs et de réalisateurs et en fait c’est un réalisateur japonais qui m’a fait passé différents tests, des tests physiques comme le saut ou casser des planches…puis une fois que j’ai été sélectionné par ce réalisateur, Chang Cheh m’a fait repasser d’autres tests.

La sélection devait être très difficile.

Il faut savoir qu’à l’époque, il y avait des milliers de jeunes gens qui essayaient de postuler pour ce genre de travail et une fois sélectionné, on signait un contrat à long terme de 5 ou 8 ans, et ensuite on commençait à prendre beaucoup de leçons. Le deuxième test que j’ai passé avec Chang Cheh était plus comme une audition parce qu’il testait mes capacités d’acteur, on m’a fournit des dialogues à jouer, et ce sont mes qualités d’acteur que l’on a ainsi testé.

Et donc un autre élément crucial à l’époque, le marketing. A l’époque les films étaient tournés en mandarin, et à HK, on parle le cantonais. Les cantonais de HK ne parlaient pas un mandarin de façon parfaite. Donc Chang Cheh a trouvé la solution, et ce fut pour moi une occasion en or. Tout cela je le dois à Chang Cheh qui m’a donné un contrat de 8 ans et ensuite je suis reparti à l’école de la SB parce qu’il faut savoir que l’on doublait nos voix en mandarin, c’est un autre acteur qui s’occupait de la post synchronisation en mandarin. On parlait mandarin mais l’accent n’était pas parfait. Maintenant avec les années, mon talent d’acteur en mandarin s’est amélioré. Je le maîtrise comme si c’était ma langue maternelle. On donnait à la plupart des acteurs des prénoms occidentaux pour pouvoir les reconnaître.

Qui vous a trouvé votre nom de cinéma ? (« Ti Lung » = « De Lon » = Alain Delon).

A cette époque là, quand on allait dans l’école de la SB, c’était très, très fatiguant, nos cours étaient très intenses et même après çà, j’allais voir des films et j’admirais beaucoup Alain Delon. Donc j’ai demandé à la production de me choisir un nom qui se rapprocherait d’Alain Delon dans l’espoir d’être aussi bon acteur que lui et un jour une secrétaire de la production a trouvé ce nom de Ti Lung, « Ti » est un nom qui porte bonheur et « Lung » veut dire dragon.

Un très bon nom que l’on vous a donné puisque vous avez un visage qui peut paraître à la fois très dur et très doux.

Alain Delon a un regard très attirant plein de mystère, une apparence de dur mais à d’autres moments séducteur, toutes les filles peuvent être amoureuses de lui, c’est une star internationale, une star immense et je l’admirais tellement.

Ti Lung et Cheng Li dans Blood Brothers (1973)

On peut dire que vous êtes le Alain Delon asiatique et qu’Alain Delon est le Ti Lung français.

(Rires) oui.

Quelle formation avez-vous en en arts martiaux à part le Wing Chun? (Type de Kung Fu ?) Est-ce que vous avez l’impression, que vos connaissances en arts martiaux ont été représentées à leur juste valeur dans vos films ?

Je connaissais déjà la technique du wing chun, mais à la SB, il fallait apprendre et travailler plusieurs techniques, une grande gamme de techniques, boxe thai, karaté, judo, taekwondo, technique de la mante religieuse… Les arts martiaux que l’on pratiquait étaient une combinaison de toutes les techniques que j’ai cité, un peu comme un exemplaire, un livre, on voyait certains mouvements, on essayait de les imiter en tentant d’innover. Ce qui est très important là dedans, c‘est qu’il ne fallait pas blesser le partenaire, il fallait avoir à la fois l’intensité et un très bon contrôle. Donc le regard, l’expression du visage devait engendrer chez l’adversaire la peur, donner cette impression de puissance mais tout en gardant un extrême contrôle. Et dans cette longue période où j’ai travaillé dans le cinéma, j’ai hélas envoyé plusieurs de mes partenaires à l’hôpital.


Les années Shaw Brothers


Chang Cheh

Vous considériez Chang Cheh comme votre père. Avec lui, vous devenez un de ses acteurs fétiches aux côtés de David Chiang. Il aimait montrer des guerriers torses nus qui s’affrontaient dans des combats très sanglants, avec beaucoup de rage et de sang. Parfois ils mourraient dans des souffrances atroces. D’où lui venait ces idées ?

Je ne peux répondre sur Chang Cheh. [NDLR, Ti Lung considère Chang Cheh comme son mentor et ne souhaite pas s’exprimer sur le vieux maitre]

Chang Cheh était un formateur, une sorte de sergent instructeur. Celui qui vous introduisit dans le monde du cinéma.

En fait je pourrai presque dire de lui que c’est un beau père, un parrain. A l’époque, nous avions de petits salaires. Quand nous étions un peu à cours d’argent, on demandait une petite rallonge et Chang Cheh, personnellement, très généreusement donnait un peu d’argent qui nous permettait d’embellir un peu notre vie.

Non seulement Chang Cheh était un grand metteur en scène mais il était un homme respectable, très généreux, très gentil. Il voulait que ses acteurs deviennent « riches » et célèbres sans rien exiger en retour.

Exactement, il n’était pas seulement un bon réalisateur, c’était quelqu’un qui aimait rendre service et puis en plus c’était un très bon négociateur avec la production, il savait comment marchander avec eux de façon à augmenter nos salaires et donc augmenter notre niveau de vie. C’est une personne merveilleuse, un grand réalisateur, et un leader.

Malheureusement un jour, j’ai eu un problème. Une nuit, j’étais soûl et je me suis battu avec deux officiers de la police de HK, et c’étaient deux officiers de haut niveau donc je me suis fait arrêter au commissariat et j’ai été inculpé d’agression et Chang Cheh m’a personnellement trouvé un avocat qui m’a sorti d’affaires et il a agi en ma faveur, j’ai eu beaucoup de chance car je n’ai pas perdu mon travail.

Ti Lung dans Vengeance ! (1970)

Je pense notamment au film Vengeance ! (présenté a Amiens), très dur, très pessimiste à l’atmosphère pesante. Quels souvenirs gardez-vous de ce film ?

Dans Vengeance ! (1970), j’occupe la première partie du film et c’était un rôle difficile, un défi en tant qu’acteur car je jouais justement le rôle d’un acteur de théâtre, et il y avait beaucoup de combat. Finalement le film a eu une belle carrière puisqu’il a bien marché au box office, en plus il a obtenu le prix du meilleur film de l’année et David Chiang reçut le prix du meilleur acteur.

Le film a été apprécié à HK, les critiques l’ont qualifié de parfois violent mais de remarquables. Mais dans les festivals de films asiatiques, ce n’était pas très facile d’obtenir deux prix et ce n’était pas un coup de chance non plus. Il possède une rare qualité qui attire les gens.

Même si vous n’apparaissez pas très longtemps dans le film, votre rôle s’apparente à celui de Janet Leight dans Psycho. Puisque le personnage meurt au bout des dix premières minutes du film, mais malgré tout l’ombre du personnage se ressent pendant tout le reste du long métrage.

Merci.


Chu Yuan

Vous avez interprété notamment le rôle titre de The Sentimental Swordsman et de The Magic Blade.

The Magic Blade (1976) était ma première collaboration avec Chu Yuan, c’était l’adaptation de roman d’un écrivain taiwanais Gu Long. A sa sortie, le film fit sensation et ce fut le début d’une collaboration fructueuse entre nous trois. Je suis donc passé de Chang Cheh à Chu Yuan, et j’ai travaillé de nombreuses années, ses adaptations de romans sont sorties non seulement à HK mais aussi à Singapour, Taiwan, Malaisie. C’était comme si j’avais gagné au loto, ça m’a permis d’acheter plusieurs maisons, c’était un très bon partenariat entre nous.

Chor Yuen (Chu Yuan en mandarin) est un réalisateur très méticuleux, il remplaçait les débordements sanglants de Chang Cheh par une recherche plus axée sur le suspense et les intrigues à tiroir, des films à l’atmosphère beaucoup plus envoûtante.

Chu Yuan a commencé sa carrière très, très jeune comme scénariste et aussi comme assistant de Shu Tieh, un réalisateur très célèbre, son père était l’acteur N°1 en langue cantonaise, sa femme était une actrice talentueuse toute sa famille était composé de gens plein de talents. Chu Yuan était un artiste avec un comportement étrange, il pouvait arriver en pyjama au travail parce qu’il avait oublié de mettre son costume, il pouvait arriver avec quelque chose à manger, avoir dormi dans sa voiture et puis écrire des idées qui pouvaient lui passer par la tête et reprendre. Une personne de foncièrement optimiste qui croyait en sa bonne étoile.

C’était un génie du cinéma, quand il a fait son premier film Cœur brisé des pauvres parents et ensuite avec House of 72 tenants (1973) qui était le premier film en cantonais et qui détruisit le marché du film en mandarin, et ensuite vint la série des films avec Gu Long. C’était quelqu’un d’immensément créatif et quand il n’avait rien à faire, il jouait au mah-jong ou il élaborait de nouvelles idées.

Pouvez vous en dire plus sur votre personnage dans The Magic Blade  ?

C’est vrai que j’avais un aspect assez proche de celui de Clint Eastwood, une façon de défier en regardant droit dans les yeux. En fait contrairement à l’idée qu’un acteur doit toujours être élégant sur lui, Chu Yuan a fait l’inverse. Il avait une vision, et d’autre part, il était très imaginatif au niveau des armes, c’est lui qui inventa pour moi une arme qui ressemblait un peu à un boomerang.

Ti Lung dans Magic Blade (1976)

Vos relations avec le réalisateur Chu Yuan étaient-elles très différentes de celles avec Chang Cheh ?

Ma relation avec Chu Yuan n’était pas la même qu’avec Chang Cheh. Par exemple, Chu Yuan venait dîner à la maison et jouait au mah-jong avec ma femme [NDLR, coup d’œil complice à son épouse présente lors de l’entretien]. Mais ce n’était pas pareil avec Chang Cheh. Parce que c’était mon mentor, mon pygmalion. Avec Chu Yuan, ce n’était pas aussi sérieux, c’était plus une relation fraternelle et respectueuse à la fois.

Quelles différences notables avez-vous perçu entre les mises en scène de Chang Cheh et de Chu Yuan ?

Chang Cheh avait une démarche plus originale, il écrivait lui-même ses propres scénarios, des scénarios sur mesures pour ses acteurs. Il montrait ses acteurs sous un jour plus glamour et en même temps plus profond, avait ses lignes directrices, les personnages étaient plus attirants. Tandis que Chu Yuan lui faisaient des adaptations, il prenait plusieurs romans, il prenait certains éléments de ceux-ci, les combinait et obtenait un résultat tout à fait acceptable.

S’il fallait les comparer à des arbres, Chang Cheh serait un pin très droit, tandis que Chu Yuan serait un sapin de noël. Chang Cheh était plus dévoué à son travail tandis que Chu Yuan était plus un play-boy, quelqu’un qui aimait plus s’amuser.


Duo avec David Chiang

Pouvez-vous nous parler de votre frère d’armes avec qui vous entamerez une longue saga ?

David Chiang est une personne avec énormément de talent, très agile. Avant d’être acteur, il était cascadeur. C’est un homme de cinéma, un connaisseur, parce que dans la famille, son père, sa mère, son frère, tous travaillaient dans l’industrie du cinéma. Nous avons travaillé dans tellement de films ensemble jusqu’à ce que Chu Yuan nous sépare.

Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble ? L’alchimie a-t-elle opéré dés les premiers films que vous avez tourné ensemble ?

On a commencé à travailler sur The Young Juvenile (Dead End, 1969), nous avions passé une audition, je n’étais pas aussi bon que David Chiang à l’époque donc il obtenait souvent le rôle principal. Il avait beaucoup plus d’expérience que moi et j’ai appris beaucoup de choses de lui. D’un côté il me défiait, mais aussi je le défiais. Donc après tant d’années ensemble, des gens continuent à penser que Chang Cheh préférait David Chiang à moi. Je ne suis pas vraiment d’accord avec çà. Je suis resté très patient, je suis comme le bon vin, je m’améliorais avec les années (et m’améliore encore). J’ai dû travailler deux fois plus, j’ai dû améliorer mon madarin, ma pratique du kung-fu et puis j’ai attendu… et le film Blood Brothers (1973) est arrivé, a prouvé mon nouveau statut et après je suis devenu indépendant. Nos chemins se sont séparés, et peut-être que nous nous retrouverons pour un autre rendez-vous…quand nous serons plus vieux qui sait…on travaillera peut-être à nouveau ensemble…Pourquoi pas ? [en français]

L’action du réalisateur Chang Cheh a été déterminante dans la construction de votre « duo », mais cela aurait-il pu se faire sans lui ?

En tant qu’acteur, on doit apprendre à survivre dans le cinéma. On nous fait changer de partenaire pour éviter que le spectateur ne se lasse, éviter la monotonie, on doit continuellement trouver quelque chose de frais, de nouveau. Donc après Chang Cheh, j’ai travaillé avec d’autres réalisateurs et j’ai réussi à trouver mon indépendance et à survivre dans ce milieu sans Chang Cheh et David Chiang.

Cette scène de la Rage du Tigre est une où je tombe par terre avant de mourir, c’était très difficile et je me suis évanoui. En fait, toute la répétition devait se faire en fonction de l’éclairage et en fonction de la chorégraphie, j’ai réussi à finir cette scène de mon mieux. C’est une scène mémorable et le directeur des combats Liu Chia Liang était quelqu’un de très talentueux, il faisait équipe avec Tang Chia. Tout comme moi avec David Chiang, ils sont séparés, se sont retrouvés pour des questions de style. Et ce film New One-Armed Swordsman (1971) a quelque chose de particulier avec le costume, c’était une peau de vache, et j’avais deux épées qui devaient sortir de ma manche. Et je devais agir de sorte à ce que les 2 épées sortaient d’une certaine façon. Et si vous regardez bien, cette scène a été reprise quasiment dans le film Hero, bon les emprunts, çà arrive tout le temps, c’est le cinéma. L’affiche du film est plus dans un style coréen. (rires)

Votre duo avec David Chiang était vraiment excellent pour les fans dans des films tels qu New One-Armed Swordsman (La Rage du Tigre) ou Deadly Duo. -Etait-ce un duo « commercial » ou aviez-vous des relations amicales hors des plateaux de tournage ?

Notre duo était “commercial”, Nos relations étaient amicales. Chacun de nous avait une moto, et nous les prenions pour aller d’un tournage à un autre. On se lançait continuellement des défis, et le soir après le tournage, nous prenions des verres ensembles. On discutait, on allait en boîte. Mais de toute façon si notre relation n’avait pas été aussi bonne, cela se serait vu à l’écran, et nous aurions pris nos distances par rapport à l’autre. Nos rapports étaient très bons, certaines personnes disaient que nous étions deux personnes avec un même esprit, dans une même âme… et il y a même des gens qui se sont demandés si nous n’étions pas un peu gay.

Mais vous n’êtes pas gay !

« Rires » Je ne le suis pas !


Après la Shaw Brothers

Vous avez-vous même réalisé deux films en 1974 et 1975 : Young Lovers on Flying Wheels et The Young Rebel . Que retenez-vous de ces deux tournages et pourquoi ne pas avoir réalisé d’autres films par la suite ?

Pourquoi j’ai réalisé des films ? Et bien à cause de Chang Cheh, il avait une vision. Quand un acteur atteint un certain niveau, au bout d’un moment il faut qu’il change, qu’il passe derrière la caméra comme technicien ou même réalisateur. Comme mon contrat et celui de David Chiang à la SB étaient bientôt terminés, Chang Cheh pensait à nous faire venir. Il avait déjà des taiwanais, une nouvelle génération d’acteurs-cascadeurs ( Les futurs « Venoms » ) qu’il voulait mettre sur le devant de la scène. Il a eu comme idée de nous encourager à devenir réalisateur lui et moi.

Vous avez pu grâce à Chang Cheh écrire, jouer et mettre en scène vos propres films tandis que Chang Cheh réalisait les siens et produisait les vôtres…

Sur mon premier film The Young Rebel, j’ai écrit le scénario qui s’inspire de ma petite enfance et on peut qualifier çà de « une vie de chien » (en français), misérable. J’ai fait ce premier film et cela m’a donné l’occasion d’en savoir plus derrière la caméra. Et comme acteur, j’ai pris David Chiang parce qu’il est très mince et que sa silhouette ressemblait beaucoup à la mienne quand j’avais 16/17 ans parce qu’à l’époque j’étais très maigre et assez fragile. Mais le travail de réalisateur comme vous le savez est un lourd travail, compliqué et mon expérience là dedans était si limitée. J’étais jeune, je peux donc qualifier les 2 films que j’ai réalisé d’immatures, mais ce fut une très bonne expérience et j’en ai conclu que je préférais être acteur, çà prend du temps de bien jouer. On a eu peu de succès pour la première fois et je pensais qu’en tant qu’acteur, il y avait encore de la place pour moi.

Ti Lung dans Drug Addict (1974)

Et vous avez joué dans le film de David Chiang The Drug Addict en 1974.

On s’était fait une promesse mutuelle de jouer dans le film de l’autre et à l’époque j’étais assez fort et j’ai dû faire un régime draconien puisque j’ai dû perdre 15 livres. [NDLR, soit 7 kg]


Renaissance

Les années 80 marquant le déclin de l’empire Shaw Brothers, vous avez joué dans une série de films de Kung Fu assez moyens produits à Taïwan, jusqu’en 1986 où vous faîtes la rencontre de John Woo que vous aviez pu croiser sur le tournage de Blood Brothers de Chang Cheh. Pouvez-vous détailler ces « années difficiles » lors de votre exil à Taiwan ?

Pour revenir à Taiwan, il y a deux personnes qui ont été marquantes à cette époque, la première est Wu Ma qui était l’assistant-réalisateur de Chang Cheh, et Pao Hsueh Lieh qui était un réalisateur de la Shaw Brothers. Grâce à lui, j’ai pu continuer ma carrière à Taiwan à faire cinq films que je qualifierai d’assez médiocres qui n’étaient pas aussi bons que ceux de la SB, on peut dire que ma carrière était sur le déclin…pourtant on travaillait très dur mais la qualité n’était pas présente, pas comme à la SB.

Certes mes revenus avaient beaucoup augmenté par rapport à la SB. Mais on qualifiait ce mouvement de ma carrière comme suicidaire, la promotion de ces films n’était pas bonne, la qualité artistique non plus. On pensait que j’étais « out »…

Chow Yun-fat, Ti Lung et Leslie Cheung dans Le Syndicat du Crime (1986)

Comment avez-vous été contacté par le réalisateur John Woo pour jouer dans la série des Syndicat du crime, A Better Tomorrow qui sont des hommages aux films de sabre (wu xia pian) de Chang Cheh ?

A mon retour de Taiwan, j’ai revu un ami comédien Shu Tien (Dean Shek) qui avec deux autres associés avait créé une nouvelle société, la Film Workshop. Et c’est grâce à ces recommandations, que j’ai pu signer un contrat de 3 ans et avec le producteur Tsui Hark et joué avec Chow Yun Fat et Leslie Cheung.

Quelle a été l’importance de John Woo dans votre seconde partie de carrière (post SB) ?

Film d’une renaissance et d’une reconnaissance.

Drunken Master 2 (1994)

1994, l’union Lau Kar Leung / Jackie Chan donna le chef d’œuvre de la kung-fu comédie qu’est Drunken Master II et vous a permis d’interpréter le père de Wong Fei-hong aux côtés d’Anita Mui Yim Fong. Comment s’est passé le tournage du magnifique Drunken Master 2 ?

J’ai tourné ce film gratuitement, je n’ai pas demandé de cachet parce que c’était un film dont les recettes, les bénéfices allaient être reversés à l’association des cascadeurs de HK (HK Stuntman Association). Je n’ai pas demandé le moindre dollar parce que comme je vous l’ai déjà dit, j’avais envoyé quelques cascadeurs à l’hôpital pour des côtes cassées ou des problèmes oculaires. Ce film connut un énorme succès à HK, la production a gagné énormément d’argent, l’argent a été reversé à l’association et au bout de deux ans, l’argent a disparu…

Le personnage que je joue est le père de Jackie Chan. J’ai adoré ce rôle parce que je ne me contentais pas de me battre, je montrais mes capacités en tant qu’acteur et mes capacités à faire plaisir au public.

Dans ce film il y a une scène où je punis mon fils (Jackie Chan), je le frappe avec un bâton. Je précise à Jackie Chan que l’on ne ferait qu’une seule prise et le préviens de mettre du rembourrage sous son costume pour se protéger car je porterai vraiment mes coups, je devais avoir l’air très en colère. Il s’est protégé un flanc…mais j’ai frappé sur l’autre ! Un autre acteur aurait eu peur de jouer cette scène, mais pas lui, alors qu’il est extrêmement populaire et a énormément de pouvoir.

Est-ce que nous continuerons à vous voir au cinéma et ou à la télévision ? Votre actualité et vos projets ?

Maintenant ce que j’aspire c’est prendre ma retraite, profiter de la vie. Je viens juste de terminer deux séries TV, Général Yang, un rôle qui demandait beaucoup d’énergie car la série contient beaucoup de combats équestres et la deuxième qui avait pour objet un peintre très célèbre.

J’ai discuté avec ma femme et nous devrions passer le reste de notre vie à dépenser notre argent et non pas à le garder. En plus j’ai mon fils Tam Jun-Yin qui fait ses premiers pas dans le cinéma, il débute une carrière cinématographique, et c’est maintenant à mon tour de l’aider et de guider ses pas.

Je voulais remercier le public français pour le soutien, l’intérêt qu’il porte pour les films chinois de HK.

Pierre Rissent, Ti Lung, Lau Kar et Philip Cheah à la conférence de presse du Festival d’Amiens 2004


Remerciements à Ti Lung, Léo pour la traduction, l’équipe du Festival d’Amiens et Claire Viroulaud.

Propos recueillis par David Vivier Festival d’Amiens 2004.

Recherche David-Olivier Vidouze, Den

is Gueylard, Bastian Meiresonne et Thomas Podvin.

Photos (c) par David Vivier pour HKCinemagic.com.


Voir également la biographie de Ti Lung par Philippe Quévillart


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Auteur : HKCinemagic

Un des membres fondateurs du hkcinemagic.com
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