[Film] The Web of Death, de Chu Yuan (1976)


Le Clan des Cinq Venins, une organisation martiale ésotérique, veille sur une arme surpuissante baptisée « L’Araignée de la Mort’, tellement dangereuse que seul son chef héréditaire en détient l’usage. Des problèmes d’ordre conjugal et sentimental vont cependant perturber la routine du clan et troubler la quiétude du Wǔ lín.


Avis de Cherycok :
Si vous demandez aux amateurs de la Shaw Brothers quels sont pour eux les plus grands réalisateurs de la firme, il y a sans doute trois noms qui ressortiront : Chang Cheh, Liu Chia-Liang, et Chu Yuan, trois figures emblématiques du cinéma martial de la Shaw, chacun avec ses styles, ses codes. Chang Cheh privilégiait l’action spectaculaire, la camaraderie masculine et l’héroïsme tragique. Liu chia Liang se démarquait par des chorégraphies très travaillées et a fortement aidé à populariser la kung fu comedy. Chu Yuan de son côté s’intéressait bien plus à la dimension psychologique et morale de ses personnages, en mettant ses héros ambivalents en scène dans des intrigues complexes au récit labyrinthique. Ses films, souvent adulés par les amateurs, me sont pour la plupart étrangers, car j’ai beau bourlinguer dans le cinéma de Hong Kong depuis plus de 30 ans, j’ai jusqu’il y a à peine quelques années boudé les années vastes de la Shaw Brothers, préférant me concentrer sur une période qui me parlait bien plus, les années 80 à 2000. Mais depuis trois ou quatre ans, je commence à découvrir les trésors cachés du studio, et grâce à la sortie du coffret 6 films de Spectrum Films consacré au réalisateur Chu Yuan, j’ai enfin pu me lancer dans la découverte de ce réalisateur culte, d’abord avec l’excellent The Magic Blade, et aujourd’hui avec ce très fun The Web of Death.

Au milieu des années 70, la Shaw Brothers va pas mal expérimenter dans le wu xia pian, tordant les codes traditionnels du genre pour essayer d’y amener de la nouveauté, et avec The Web of Death, Chu Yuan en fait de même mais toujours avec sa vision plus intellectuelle et stylisée du genre. Même si le réalisateur a la réputation de proposer des films souvent plus exigeants que bon nombre de bobines de ses confrères de son époque, The Web of Death se fait résolument bien plus pulp que de nombreux films de sa filmographie, se rapprochant même parfois, avec plusieurs années d’avance, sur les délires psychédéliques du début des années 80 du studio. Adaptant librement une fois de plus l’univers romanesque de Gu Long, nous sommes ici en présence d’un wu xia pian aussi ridicule que génial, délaissant les nombreux rebondissements et trahisons qui caractérisent souvent la filmographie du réalisateur, pour se concentrer sur le divertissement proche sur certains aspects du film d’aventure. Le résultat n’en est au final que des plus rafraichissants. Rien que l’idée d’une araignée magique dont les toiles capturent les ennemis et les fait fondre nous fait rapidement comprendre qu’on est sur quelque chose de plus léger, de plus fantaisiste, mais cela ne rend pas The Web of Death moins intéressant. Déjà, visuellement, le film est des plus audacieux. Certes, nous sommes souvent ici dans un kitch de tous les instants, avec ce charme désuet des décors de la Shaw Brothers, mais le film nous présente souvent des décors assez audacieux comme par exemple les différentes salles de la grande bâtisse du clan Venom qui font preuve d’une belle créativité. Ces décors sont d’ailleurs souvent assez dépouillés, mais rien n’y est laissé au hasard comme si chaque scène avait été pensée comme un tableau. Les éclairages semblent d’ailleurs parfois irréels, avec des filtres souvent colorés, comme si le directeur photo avait voulu créer une ambiance oppressante malgré le côté pulp de ces scènes.

Les scènes d’action ne sont au final pas très nombreuses mais sont de qualité, avec des affrontements secs, parfois sanglants. Ils ne cherchent jamais à être spectaculaires, mais Chu Yuan les remplit d’intensité dramatique afin de leur donner plus de force. Ils ne sont pas très spectaculaires, certes, mais ils sont néanmoins travaillés et, une fois de plus, Tang Chia fait un très bon travail chorégraphique, ici aidé par Yuen Cheung-Yan du clan Yuen qui semble avoir amené toute sa folie dans les scènes impliquant des éléments plus fantastiques. Car bien avant son délirant et psychotronique Descendant of the Sun, Chu Yuan mettait déjà en scène ici du bon gros délire à base de lasers, de lumières colorées et de fumées épaisses, avec des effets spéciaux grattés à même la pellicule qui raviront les amateurs de bisseries du genre. Certes, c’est concentré dans le dernier acte, mais c’est bel et bien présent et surtout complètement assumé. Une des forces de The Web of Death, c’est son casting et, outre l’inimitable Lo Lieh, qui une fois de plus semble prendre un malin plaisir à jouer un méchant très méchant et très machiavélique, C’est Yueh Hua (L’Hirondelle d’Or, Killer Clans) et Ching Li (The House of 72 Tenants, The Boxer From Shantung) qui tirent leur épingle du jeu. Le premier incarne un héros plus complexe qu’il n’y parait, aussi bien à l’aise dans l’action que dans le drame et même dans les quelques petites touches d’humour du film. La deuxième vole la vedette à tout le monde dès qu’elle est à l’écran avec son charisme magnétique. Mais dans l’ensemble, c’est tout le casting qui fournit un très bon travail, certes parfois un peu théâtral comme c’était souvent dans le cinéma de la Shaw Brothers (et dans le cinéma Hong Kong de cette période de manière générale) mais toujours en adéquation avec ce qu’il se passe à l’écran, en particulier lorsqu’il s’agit de luttes de pouvoir et autres machinations. Il résulte de tout ça un divertissement réussi, bien moins mineure dans le genre que certains veulent bien le dire, mais surtout une expérience assez singulière ô combien réjouissante.

LES PLUS LES MOINS
♥ L’ambiance générale
♥ Un casting impliqué
♥ Le délire du final
♥ Visuellement réussi
⊗ Un kitch qui pourra rebuter
⊗ Des scènes qui s’enchainent parfois trop vite
Suite de Bewitched qui allait déjà fort dans le barré, The Boxer’s Omen pousse tous les potards à fond et le résultat est un spectacle complètement halluciné qui repousse les limites du goût et de la bisserie. Un indispensable pour tous les amateurs de cinéma bis !


THE WEB OF DEATH est disponible chez l’éditeur Spectrum Films en Coffret Blu-ray collector (avec 5 autres films) au prix de 80. Il est disponible à l’achat ici : Spectrumfilms.fr

En plus du film, on y trouve : Présentation de Arnaud Lanuque, Entretien avec Ku Feng, ainsi que les autres films du coffret : The Magic Blade, Swordsman and Enchanteress, Heaven Sword and Dragon Sword 1 et 2, Descendant of the Sun.



Titre : The Web of Death / 五毒天羅
Année : 1976
Durée : 1h27
Origine : Hong Kong
Genre : Wu Xia merveilleusement kitch
Réalisateur : Chu Yuan
Scénario : Ni Kuang

Acteurs : Yueh Hua, Lo Lieh, Ching Li, Wang Hsieh, Angela Yu Chien, Wang Chung, Lily Li Li-Li, Ching Miao, Ku Feng, Chiang Yang, Wang Han-Chen, Ko Hung, Norman Chu


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Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
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