[Film] The Sword, de Patrick Tam (1980)


Wah Qian-Shu, un grand maître d’arme s’est retiré depuis plusieurs années, dans un lieu inconnu de tous. Mais de nombreux épéistes veulent le retrouver afin de le défier puisque le vainqueur aurait ainsi gloire et réputation. Le jeune chevalier Li Mak-Yin est de ceux-là. Il croisera sur son chemin, le pernicieux Lin Wan qui n’est autre que le compagnon de Hsiao-Yue, l’amour de jeunesse de Li.


Avis de Kamï :
Lorsque Patrick Tam Kar-Ming décida de réaliser son premier film, un wu xia pian, c’est en totale rupture avec l’héroïsme chevaleresque d’une production Shaw Brothers et particulièrement de Chang Cheh. Il met ainsi en scène des personnages masculins vidés du moindre esprit chevaleresque et dont la seule quête n’est pas un accomplissement personnel mais soit l’acquisition d’une renommée, d’une gloire, soit le vol d’une arme (ici la maléfique épée Qiwu et la redoutable Etoile-De-Glace). Les femmes de ce récit semblent être les seuls personnages à avoir des valeurs et vertus telles que l’amour (Hsiao-Yue toujours éprise de Li), l’amitié (celle liant Yuen-Chi au maître Wah), la famille (Petit Galet, fille de Wah) et l’honneur (symbolisé par Yuen-Chi). Lin n’est qu’un être putride, jaloux et déloyal « utilisant » comme un simple instrument, son homme de main, le bondissant Tie-Yi.

Ce qui fait la force de The Sword, c’est que Patrick Tam ne s’est pas laissé aller au schéma sclérosé du « gentil héros » face au « méchant ennemi ». Ainsi, Li a lui que peu de principes. Il n’est qu’un homme obsédé par le défi et la renommée ayant tout quitté, même son premier amour, pour parvenir à ses fins. Près du but, il est plus que décidé quitte à nuire à Yuen-Chi et Petit Galet. L’interprétation même de la chevalerie est réduite à une définition péjorative, dénuée de codes et de principes et où ne réside que l’aspect martial, exécutif :

Petit Galet s’adressant à Lin Wan « Tu te crois un chevalier ? »
Lin Wan « Je sais me servir d’une épée… Donc je suis un chevalier. »

Artistiquement, The Sword est soigné comme un chanbara de la Toei, ce qui l’éloigne à un autre niveau des productions Shaw Brothers. Run Run Shaw aimant le travail vite fait et (plus ou moins) bien fait, avait d’ailleurs provoqué le départ du méticuleux King Hu refusant sa demande d’un délai plus long pour peaufiner l’un de ses films. Patrick Tam se rapproche ainsi plus du travail esthétique d’un King Hu (sans néanmoins l’atteindre) que du travail d’un Chang Cheh. Le metteur en scène Tam impose d’ailleurs de nombreux temps morts, des lenteurs qui seront soit appréciées, soit décriées comme ennuyeuses, surtout si l’on compare aux frénétiques productions Fantasy qui suivirent le succès de Swordsman 2 de… Ching Siu-Tung.

Ce dernier n’est rien d’autre que le chorégraphe principal (le second chorégraphe est Tang Tak Cheung) de The Sword. Les quelques scènes de joutes sont d’un très bon niveau, principalement la scène finale qui annonce l’hystérie (certains diront le surréalisme) de ses chorégraphies suivantes qui sera la « touche » Ching Siu-Tung. Il réalisera 3 ans après, sa première œuvre Duel To The Death qui reste sa meilleure sur de nombreux points. Et sur de nombreux autres points, Duel To The Death peut être perçu comme une relecture hallucinée et hallucinante du scénario du film de Tam. Ajoutez à cela un casting de rêves et une excellente bande-son tantôt groove/funk, tantôt psychédélique proche de celle d’un Hanzo The Razor, The Sword est un film qui fît date. Après quelques réalisations, Patrick Tam abandonna la réalisation et la production fin 1994 (après le montage du Ashes Of Time de Wong Kar-Waï) mais pas le cinéma puisqu’il est parti l’enseigner à l’université. Mais il revient en 2006 pour ce qui sera son dernier long métrage à l’heure où ces lignes sont écrites, After This Our Exile (2006), mais aussi plus récemment un des segments de l’anthologie Septet – The Story of Hong Kong (2020).

LES PLUS LES MOINS
♥ Artistiquement réussi
♥ Les scènes d’action
♥ Le casting
♥ Les personnages
⊗ Les longueurs

Parfois décrié pour ses longueurs (volontaires), The Sword est pourtant un film qui fît date. Souvent plus proche d’un chanbara que d’un film de sabre période Shaw Brothers, le film de Patrick Tam se doit d’être vu par tous les amoureux de ciné HK.



Titre : The Sword / 名劍
Année : 1980
Durée : 1h28
Origine : Hong Kong
Genre : Wu Xia Pian
Réalisateur : Patrick Tam
Scénario : Lau Shing-Hon, Clifford Choi, Wong Ying, Patrick Tam

Acteurs : Adam Cheng, Norman Chu, Jade Hsu Jye, Tien Feng, Jojo Chan, Bonnie Ngai, Eddy Ko, Lau Siu-Ming, Lee Hoi-San, Lau Yat-Fan, Ng Tung, Chan Leung


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Auteur : Kami

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