
En 1975, Sigrun, anesthésiste en formation, accepte de s’occuper de la baronne Heidenreich, excentrique et malade, dans sa maison de campagne délabrée et en ruine. Seule, à l’exception de la baronne et de son tout aussi étrange serviteur Otto, Sigrun commence à explorer les pièces poussiéreuses abandonnées depuis longtemps, remplies de disques, d’appareils de chimie, de symboles ésotériques et d’animaux taxidermisés, à la recherche de la vérité sur son passé. Alors qu’elle cherche désespérément la vérité, elle apprend que le prix de la connaissance est élevé et qu’il ne faut pas faire confiance aux vieilles dames rusées.
Avis de Cherycok :
Prix de la meilleure photographie au Grimmfest 2023, ceux du meilleur film et meilleur réalisateur au Brooklyn Horror Film Festival 2022, ceux du meilleur premier film, meilleure actrice et meilleure photographie au South African Horrorfest 2023, Mother Superior se traine une jolie petite réputation. Je me lançais donc confiant dans ce premier film de la réalisatrice autrichienne Marie Alice Wolfszahn. Mais lorsque le générique de fin a retenti, je n’ai pu m’empêcher de lâcher un petit « Mouais » de déception. Non pas que le film soit mauvais, loin de là, mais il semblerait que, une fois de plus, les festivaliers s’emballent un peu trop et que ce n’est pas parce qu’un film gagne le prix de la meilleure photographie ou de la meilleure actrice que nous sommes face à un chef d’œuvre. Quant au différents prix du meilleur film que Mother Superior a remporté, je reste un peu dubitatif.
Nous sommes ici dans le folk horror qui va essentiellement miser sur son ambiance souvent assez gothique. Le scénario de Mother Superior va s’appuyer sur une réalité historique, tout en y injectant des éléments fantastiques. L’élément historique se base sur le Lebensborn, une association nazie gérée par les SS, créée en 1935 par Heinrich Himmler et qui a perduré jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Il s’agissait de foyers / maternités / crèches dans lesquels des femmes typées aryennes, mises enceintes par des soldats / policiers allemands et des SS, venaient accoucher afin de faire naitre des enfants parfaits, blonds aux yeux bleus, dans le but de créer une race parfaitement pure et dominante. Le fantastique, lui, est amené avec toute l’alchimie et la sorcellerie qui tourne autour des esprits, la mort, la résurrection, et les différents procédés qu’on peut y mettre derrière, via un culte féministe qui vénère la déesse de la lune. Mother Superior a un peu le cul entre deux chaises. A vrai dire, c’est plutôt la partie fantastique qui a du mal à réellement trouver sa place. La faute à un scénario qui se concentre un peu trop sur les tâches d’infirmière de sa protagoniste principale (qui est sous couverture), sans parler des nombreux flashbacks d’interrogatoire qui viennent presque systématiquement désacraliser l’ambiance gothique qui est pourtant très joliment mise en place. Et comme le film est extrêmement court, 1h11 générique compris, il n’a pas réellement le temps de développer ce qu’il aurait réellement dû développer. La majorité des scènes versant dans l’occulte sont un peu coincées, et ne peuvent pas réellement s’exprimer et avoir l’impact espéré. C’est la même chose pour le final un peu trop précipité, un peu trop confus, mais qui reste malgré tout satisfaisant d’un point de vue folk horror, [SPOILER ALERT] nous laissant sur l’interrogation de savoir si le personnage de Sigrun a tellement été manipulée par les évènements qu’elle a suivi les traces de la baronne par choix, ou si la baronne a réussi à « transmigrer » son âme dans le corps de la jeune Sigrun [FIN SPOILER ALERT].
Bien que s’accélérant pour son final, le rythme du film est relativement lent et, comme il ne se concentre pas toujours sur les bonnes choses, le film peut sembler bien plus long que sa durée réelle. Oui, l’ambiance de Mother Superior est parfois assez atmosphérique, onirique, et si on n’y rentre pas dedans, on peut rapidement se retrouver sur le bas-côté. C’est dommage car, même si pas assez développées, le film traite de thématiques des plus intéressantes, comme l’obsession nazi pour l’occultisme, certains commentaires sociaux sous-jacents, ou le féminisme avec cette femme qui cherche à s’émanciper et à avoir sa place au soleil là où, 30 ans plus tôt, c’était surtout des savants fous hommes qui cherchaient à construire une armée pour conquérir. Sur la forme, il est vrai que c’est une réussite. Visuellement, Mother Superior est superbe, parfois même vraiment impressionnant dans ses cadrages et sa façon de sublimer les décors, aussi bien les intérieurs souvent très rustiques de cette grande maison dans laquelle se déroule une majorité de l’action, que ces extérieurs ruraux. Les plans sont réfléchis au millimètre, le film joue beaucoup avec la symétrie lors de certains plans d’ensemble, mais aussi avec le contraste ombre / lumière, notre héroïne se baladant souvent dans ce grand manoir très sombre seulement éclairée par un halo lumineux passant à travers quelques ouvertures ou via sa lampe torche. Les éléments fantastiques sont eux aussi de toute beauté, en particulier ces plans macabres des pratiques rituelles de la sorcellerie, brefs dans la première moitié, plus présents dans la dernière partie du film. Certes, il n’y a rien d’original là-dedans, le film s’inspirant de l’imagerie de plein de choses qui ont déjà été faites auparavant, mais le résultat est digeste et réellement soigné. La distribution dans son ensemble offre de très belles performances et on ressent une réelle alchimie. Tous les personnages cachent des secrets et les acteurs-trices arrivent parfaitement à le retranscrire à l’écran.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les thématiques abordées… ♥ Les éléments fantastiques… ♥ L’ambiance atmosphérique et onirique… ♥ Très belle photographie ♥ Un casting convaincant |
⊗ … pas assez approfondies ⊗ … pas suffisamment mis en valeur ⊗ … qui pourra déstabiliser ⊗ Rythme relativement lent |
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Superbe dans sa forme, Mother Superior pêche un peu sur ce qu’il raconte et surtout la façon dont il le raconte. En résulte un film d’horror folk certes sympathique, vite vu avec sa courte durée, mais qui laisse clairement sur sa faim. |
Titre : Mother Superior
Année : 2022
Durée : 1h11
Origine : Autriche
Genre : Folk horror
Réalisateur : Marie Alice Wolfszahn
Scénario : Marie Alice Wolfszahn
Acteurs : Isabella Händler, Inge Maux, Jochen Nickel, Tim Werths, Patricia Aulitzky, Florian Troebinger, Thomas Gföller, Marie Sturminger, Vasilisa Grebenshikova