[Film] L’Attaque des Fourgons Blindés, de Bruce Beresford (1978)

Réputé pour sa sécurité infaillible, la société de convoyeurs de fonds Darcy vient pourtant de subir un violent braquage. Une lettre anonyme annonçant un nouveau braquage sème le trouble au sein de la compagnie. D’où viennent ces menaces ? D’un salarié modèle, d’un nouvel employé trop propre sur lui ? D’un parrain local ou d’un flic corrompu…

Avis de Cherycok :
A la fin des années 70, le cinéma australien est un peu en crise et 1979 a été la pire année pour les films australiens en termes de recettes depuis le début de la nouvelle vague du cinéma australien. Plusieurs bons, voire très bons, films sont passés sous les radars à l’instar de L’Attaque des Fourgons Blindés qui a été un échec cuisant au box-office, ne rapportant que 330000$ pour un budget de presque 600000$. Pourtant, ce film de Bruce Beresford (Héros ou Salopards, Miss Daisy et son Chauffeur) a dû balancer un bon petit uppercut aux spectateurs qui se sont déplacés en salles. Clairement en avance sur son temps, considéré par certains comme un des meilleurs films de casse du cinéma, L’Attaque des Fourgons Blindés semble en tout cas avoir posé les bases du polar australien « moderne » au point que plusieurs films qui ont suivi en ont repris la structure et certains codes. Mais pas que puisque Michael Mann en a fait de même avec Le Solitaire (1981) et ce dernier ne cache pas avoir adoré le film. Et on le comprend aisément.

L’Attaque des Fourgons blindés est l’adaptation du roman The Money Movers de Devon Minchin paru en 1972. L’histoire du livre s’inspire de deux faits réels, celui du vol d’un fourgon blindé à Sydney en 1970 au cours duquel pas moins de 500000$ ont été volés, et un incident, lui aussi de 1970, dans lequel des bandits se faisant passer pour des policiers ont dérobé dans les bureaux de la Metropolitan Security Services la somme de 280000$. Le film nous met immédiatement au courant du trafic d’argent qu’il y a autour de cette société de transport de fonds nous faisant comprendre que, avec toutes les mains par lesquelles passe cet argent, c’est presque logique que certains finissent par craquer et essaient de s’en mettre plein les poches. Très vite, on comprend qu’un groupe de trois personnes travaillant dans l’entreprise planifient un coup depuis cinq and dans l’optique de détourner pas moins de 20M$ australiens, mais quelqu’un semble tenir au courant l’entreprise qu’un coup se prépare. Très rapidement, on se rend compte que la majorité des personnages est corrompu d’une façon ou d’une autre et seul le déroulé du scénario nous dira si ces personnages vont pencher d’un côté ou de l’autre de la balance. Et c’est sans compter sur la mafia locale qui, en échange d’un coup de main, veut aussi sa part du gâteau. Le côté sans concession de la Ozploitation qui est bel et bien là. C’est âpre, jusque dans le grain de l’image, violent, avec des impacts de balle sanglants qui font mal, tellement mal que dès le premier échange de coups de feu, on comprend que, à l’époque, le film ait pu écoper d’une interdiction aux moins de 18 ans. C’est d’autant plus impactant que l’ensemble se veut réellement réaliste. L’Attaque des Fourgons Blindés est un film brut jusque dans sa mise en scène qui ne cherche jamais à se styliser car ce n’est pas ce qui intéresse le réalisateur. Il préfère s’attarder sur ses personnages, sur la fraternité entre certains d’entre eux, mais également sur l’entreprise, par laquelle transite tout cet argent, qui devient presque un personnage à part entière. Dès la première scène, la caméra navigue dans tous les coins du batiment, de l’atelier des ouvriers au dépôt des chauffeurs en passant par les bureaux des grands pontes, comme pour nous présenter le lieu futur du méfait.

Le scénario pourra paraitre simple au premiers abords, mais les intrigues secondaires sont bien plus complexes au point qu’il est parfois un peu compliqué de savoir qui trahit qui. Lors du final, les morts sont tellement nombreux qu’il en devient même difficile de s’y retrouver. Ce final crépusculaire est malgré tout la scène la plus marquante du film, sans aucune musique, comme pour accentuer le bruit des coups de feu et l’intensité de ce qui se passe à l’image, et on en ressort presque essoufflé, comme si on venait de la vivre en apnée. Le réalisateur, qui n’apprécie pas son film, en particulier ce dernier acte, a avoué que si c’était à refaire, il ferait une fin bien différente. Ça aurait été une grossière erreur. La tension et le suspense sont savamment gérés du début à la fin, en partie grâce à des dialogues bien écrits et plein d’esprit qui permettent de ne jamais faire redescendre la sauce dans les « entre-deux ». Le film se permet même quelques touches d’humour noir, comme par exemple lors de la scène de « persuasion » où on demande à un sbire d’amener le coupe-ongle et qu’il se pointe avec une pince monseigneur, sans que jamais cela ne vienne perturber l’ambiance presque oppressante qui a été mise en place. Le casting est vraiment excellent. Presque tous les acteurs étaient déjà des artistes confirmés, certains ayant fait leurs armes et acquis une certaine notoriété à la télévision. C’est certain, rien n’est fait pour qu’on s’attache à leurs personnages ou même qu’on ressente pour eux une once d’empathie, mais ils incarnent leurs rôles avec un réel sérieux et une telle intensité qu’on est immédiatement happé par leurs magouilles. Le film ne laisse que peu de place aux femmes, mais c’est un peu le cas de bon nombre de films du genre, comme si c’était acté dès le départ que le film de casse, c’était une affaire de bonhommes.

Titre : L’Attaque des Fourgons Blindés / Money Movers
Année : 1978
Durée : 1h34
Origine : Australie
Genre : Film de casse
Réalisateur : Bruce Beresford
Scénario : Bruce Beresford, Devon Minc

Acteurs : Terence Donovan, Tony Bonner, Ed Devereaux, Charles ‘Bud’ Tingwell, Candy Raymond, Jeanie Drynan, Bryan Brown, Alan Cassell, Lucky Grills, Hu Pryce