
New York en 1965. Une danseuse se blesse. Bientôt, elle se retrouve entraînée vers des forces obscures lorsqu’un couple étrange de personnes âgées, lui promet une chance d’accéder à la célébrité. Prequel de Rosemary’s Baby
Avis de Seyren :
Il me semble assez impertinent de vouloir, soixante ans après, faire un prequel à Rosemary’s Baby. Nous savons bien évidemment que cela fait quelques décennies que le cinéma d’horreur est en manque d’inspiration et si des idées de génies subsistent encore dans la branche indépendante du genre, force est de constater que les grosses productions ne sont que de pâles copies les unes des autres, dont le discours, aseptisé au possible, n’a pour unique intérêt que de redonner goût aux œuvres originelles. Car oui, Appartement 7A a le mérite de m’avoir fait ressortir celle de Polanski des tiroirs. Mais reprenons.
Je dois avouer qu’au départ, j’étais intéressée, du moins intriguée par le projet. Natalie Erika James nous avait offert il y a quelques années, en 2020, Relic. Une horreur intimiste et familiale portée par une photographie travaillée et une subtilité des plus émouvante qui, je dois l’admettre, m’avait beaucoup plu. La question était donc de savoir ce qu’elle pourrait bien imaginer pour rendre hommage à un long métrage qui n’a plus rien à prouver, ou du moins ce qu’elle pourrait bien y apporter car le film de Polanski se suffisait déjà à lui-même. L’idée, d’emblée, de prendre le contrepied du personnage de Rosemary en nous proposant une jeune femme carriériste était sur le papier prometteur. On peut en effet y retrouver un propos féministe qui, comme dans le long métrage original, met l’accent sur la dépossession du corps féminin. Si Rosemary perdait peu à peu le contrôle de son propos corps, non seulement au travers de la grossesse, mais aussi et surtout à cause d’une volonté masculine (celle de son mari), Terry, elle, est une danseuse dont le corps est évidemment soumis à des contraintes féroces. Les deux femmes sont objectisées et, en fin de compte, la métaphore satanique n’est que la manière cinématographique de traiter une condition féminine qui peine à se faire entendre (venant de Polanski risible non?).
Ce parti pris à priori pertinent, porté par un excellent jeu d’acteur, avait tout pour plaire. D’autant plus que le personnage de Terry est repris directement du long métrage original, car en effet, on se souvient qu’elle croise Rosemary dans la buanderie, et donne de fait une sorte de légitimité au travail de Natalie Erika James.
Extrait de Rosemary’s Baby, de Roman Polanski, 1968
Les personnages de Minnie et Roman Castevet sont remarquablement interprétés par Diane Wielest et Kevin MacNally et pendant quelques instants, on y croit. Mais seulement quelques instants. Très courts, très brefs, trop brefs… Le personnage principal peine ici à nous convaincre. La psychologie de Terry n’est clairement pas assez exploitée, ses choix sont douteux, et très vite elle perd de son intérêt au point de repousser le spectateur. Si la prestation de Julia Garner est impeccable, nous peinons à nous prendre d’affection pour elle, et finalement, nous n’attendons que sa mort. L’histoire récente nous le prouve (je pense au méconnu Le Dernier Voyage du Déméter, qui méritera de perdurer dans l’ignorance la plus totale), si l’idée de développer le détail d’une œuvre peut paraître intrigante, curieuse, ce n’est malheureusement pas pour autant une bonne raison de le faire. Et nous répondrons ainsi à l’éternelle question « Doit-on le faire parce qu’on peut le faire ? » en disant simplement : André Øvredal tu aurais dû laisser le chapitre VII de Dracula à sa place.
Développer une œuvre à partir d’un élément d’une autre, s’inscrire dans sa continuité tout en étant assez novateur pour s’en défaire n’est pas chose simple. Il s’agit de s’imprégner d’une ambiance, d’une intrigue, tout en sachant subtilement et intelligemment s’en détacher pour donner vie à une nouvelle narration. Et c’est là que le bât blesse. Le plus gros point noir de L’Appartement 7A réside sans aucun doute dans le fait qu’il est téléguidé et donc dans son incapacité à créer une nouvelle narration pour le spectateur. Nous connaissons la fin, mais bien plus nous connaissons l’intrigue. Les prolepses (figure qui consiste au récit anticipé d’un évènement futur) que ce soit en littérature ou au cinéma sont efficaces dans le sens où le spectateur se demande quel a bien pu être le chemin de notre protagoniste pour en arriver là. Nous pensons bien évidemment à Fight Club par exemple. C’est un moyen percutant de créer un effet dramatique au cœur de la narration, et dans le cas où elle constitue le début même du film, elle accroche le spectateur désireux de réponses. Ainsi, La jetée ou encore sa réadaptation/réinvention L’armée des 12 singes en est un exemple probant.
Mais dans le cas d’Appartement 7A, le principe ne peut fonctionner dans le sens où Rosemary’s Baby, qui constitue le récit de référence et donc une forme de prolepse à l’Appartement 7A, a déjà répondu à toutes nos attentes. L’intrigue est déjà résolue, et on sait d’avance qu’elle est irrémédiablement vouée à mourir, puisque ce sera bien Mia Farrow qui portera l’engeance démoniaque. Il n’y a donc que peu d’intérêt au film dans son intégralité. Relire un roman que nous avons lu encore et encore n’est une source de plaisir que dans la mesure où il témoigne d’une rare maîtrise des outils de langue qui lui sont propres tout en faisant appel à notre nostalgie. Le long métrage de Natalie Erika James ne révolutionne aucune technique cinématographique et ne se permet malheureusement même pas de jouer brillamment avec aucune d’entre elles. Quant à l’effet nostalgique, il aurait pu fonctionner si nous n’étions pas déjà noyés sous un flot d’œuvres qui ne voient le jour que dans le but de tirer financièrement parti des adultes que sont devenus tous les fans geek de genre. En bref, il est bien dommage pour une réalisatrice qui avait su imposer sa marque dans un précédent long métrage, de se noyer dans un récit fade, ennuyeux et réchauffé. Elle avait pourtant su aborder subtilement les thèmes de la famille, de l’héritage psychologique, et des violences sourdes transmises ainsi, sans le savoir, de génération en génération (de femmes). Mais cette fois-ci, la recette ne prend pas, et l’Appartement 7A ne restera malheureusement dans aucune mémoire.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le développement d’un personnage qui semblait intéressant ♥ Un traitement subtil de la lumière ♥ Un excellent jeu d’acteur |
⊗ Une intrigue qui peine à convaincre ⊗ Une trame téléguidée ⊗ Un film qui manque cruellement de fond ⊗ Un long métrage réchauffé, énième préquel dans intérêt |
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Un long métrage qui peine à s’inscrire hors de l’ombre de son prédécesseur. L’Appartement 7A n’est ni novateur, ni inspirant, ni même nostalgique d’une époque où le cinéma de genre pouvait être choc dans la seule suggestion. Il n’y a ici guère grand-chose à retenir si ce n’est qu’une fois de plus, l’industrie cinématographique confirme son manque cruel d’imagination. |
Titre : L’Appartement 7A / Apartment 7A
Année : 2024
Durée : 1h47
Origine : U.S.A
Genre : Drame / Épouvante
Réalisateur : Natalie Erika James
Scénario : Natalie Erika James, Christian White, Skylar James
Acteurs : Julia Garner, Dianne Wiest, Kevin McNally, Jim Sturgess, Marli Siu, Rosy McEwn, Andrew Buchan, Anton Blake Horowitz, Raphael Sowole, Tina Gray