[Film] La Mesita del Comedor, de Caye Casas (2022)

L’expérience d’un couple qui n’aurait jamais imaginé que l’achat d’une table de salle à manger deviendrait la pire décision de leur vie.

Avis de Cherycok :
La Mesita del Comedor, deuxième film de Caye Casas après le très bon Matar a Dios (2017), est un film qui a remporté tout un tas de prix dans les festivals, devenant en 2023 le film de genre le plus récompensé de l’année dans le monde entier. Pourtant, il n’a eu en Espagne qu’une durée de vie très limitée dans les salles et est arrivé rapidement sur Amazon Prime et Apple TV. Mais en mai 2024, Stephen King annonce sur Twitter qu’il avait vu le film et que c’était le « film le plus sombre qu’il ait jamais vu de sa vie, horriblement drôle », ce qui a entrainé un regain d’intérêt et de notoriété en Espagne, mais également dans tout un tas d’autres pays comme les Etats-Unis où il a bien marché en VOD, ou la France qui a même décidé de le sortir en salles. Il est à noter que La Mesita del Comedor est un film à regarder sans n’avoir rien vu ni lu dessus. Le texte qui suivra spoilera donc le moins possible pour ne pas gâcher la surprise. Rien que le titre français en dévoile trop, c’est pour ça qu’il ne sera évoqué que dans la fiche technique tout en bas et que, dans cette chronique, seul le titre original sera utilisé.

L’évènement qui va faire tout le film, on nous le montre dès la 20ème minute. A partir de là, on va attendre patiemment que ça parte encore plus en cacahuète que ça le n’est déjà. Parce qu’on sait que ça va être le cas, et on attend ce moment autant qu’on le craint, tout comme le personnage principal, Jesus. A partir de là, la tension monte non pas d’un cran, mais bien de 10 crans et va rester à des hauteurs stratosphériques tout du long. Nous ne sommes pas ici dans un film d’horreur. Nous sommes dans un drame. Mais c’est la situation, qui va combiner la simplicité de la vie quotidienne d’un couple avec l’angoisse d’un film extrêmement noir, qui nous glace littéralement le sang. La Mesita del Comedor s’éloigne des formules connues et va s’installer dans les profondeurs de notre esprit et nos normes sociales tel un thriller psychologique. Il implique le spectateur, il le rend témoin de ce qui se passe mais garde dans l’ignorance plusieurs personnages jusqu’à la fin, comme s’il voulait nous rendre complice de ce qui se passe à l’écran afin de créer de l’empathie pour le personnage principal malgré l’élément déclencheur du film. Le spectateur se retrouve très vite dans une situation inconfortable dont il ne sera libéré que lorsque le générique de fin retentira. Le casting est absolument génial car leur jeu semble complètement naturel malgré les lignes de dialogue acérées qu’ils balancent. La palme revient à Estefanía de los Santos qui livre une excellente prestation, volant la vedette à chacune de ses scènes, dans ce rôle de femme autoritaire.

Certains y ont vu beaucoup d’humour noir dans la Mesita del Comedor, d’autre absolument aucun humour. Je fais partie de la 1ere catégorie. Enfin, on n’est plus dans l’humour noir là, on est dans de l’humour macabre, très macabre. Et quand on rit, c’est souvent du rire d’inconfort. Parce que ce que le film raconte est horrible, jusque dans les paroles et les situations, avec un final complètement frappadingue. Le réalisateur a parfaitement compris que, parfois, il était bien de ne rien montrer et de laisser au spectateur la possibilité de s’imaginer lui-même les choses horribles qu’il se passe hors champ. Le scénario s’amuse à aligner des situations aussi inconfortables pour le personnage principal que pour le spectateur, avec une musique qui va appuyer le côté étrange de certaines scènes. Jesus est le seul à savoir ce qui s’est passé, les autres personnages peuvent s’en rendre compte n’importe quand, et il est dans une situation extrêmement inconfortable, pour ne pas dire très compliquée car, déjà que ça vie a changé avec cet évènement, la révélation sera complètement explosive. Les dilemmes sordides ne sortiront plus de sa tête alors qu’il s’enfonce petit à petit dans une impasse de plus en plus tendue et presque surréaliste. Le film est filmé presque comme un documentaire, sans fioriture, presque en temps réel, avec des cadrages étranges, des gros plans, des plans voyeurs comme si la caméra était cachée et filmait un instant de vie. Peu de lieux, peu de personnages, à l’exception de deux scènes tout se passe dans cet appartement un peu vieillot, hérité d’un grand parent, en cours de réaménagement par notre couple qui vient d’avoir un enfant. Le réalisateur fait preuve d’un grand courage en nous amenant dans un bourbier émotionnel d’une telle ampleur que d’autres cinéastes n’oseraient même pas envisager.

Titre : La Mesita del Comedor / Accident Domestique / The Coffee Table
Année : 2022
Durée : 1h29
Origine : Espagne
Genre : Ah oui quand même !
Réalisateur : Caye Casas
Scénario : Caye Casas, Cristina Borobia

Acteurs : David Pareja, Estefania de los Santos, Josep Maria Riera, Claudia Riera, Eduardo Antuñia, Gala Flores, Cristina Dilla, Itziar Castro, Aitana Garcia, Paco Benjumea