[Film] Explorer From Another World, de Woody Edwards (2024)

Un vendredi soir, au début des années 1960, un visiteur inattendu arriva dans la campagne de l’Indiana. Contrairement à tout ce que l’humanité avait connu auparavant, cet étrange inconnu allait semer le chaos dans le comté idyllique de Beutter.

Avis de Cherycok :
L’avantage d’un film d’une durée de 44 minutes génériques compris, c’est que ça peut se caler n’importe quand. A la pause méridienne par exemple. Mais même sans ça, Explorer From Another World avait tout pour me plaire. Un film volontairement kitch qui rend hommage aux films de SF fauchés des années 50, des effets gores en practical, des dialogues qui ont l’air bien crétins, un festival de perruques Wish, un côté « joe la débrouille », et surtout un film qui avait l’air 100% sincère. Et effectivement, j’ai vraiment passé un bon moment devant Explorer From Another World, un moment vraiment fun, mais avec quelque chose qui m’a malgré tout gêné tout le long, quelque chose qui se dégageait de l’esthétique du film. Difficile à dire sur le moment, même si j’avais un pressentiment. Alors au sortir du film, j’ai commencé à chercher sur la toile, et il n’y a pas eu besoin plus de 30 secondes pour que mes craintes deviennent réalité. Oui, le réalisateur Woody Edwards a eu recours à l’IA pour son petit film, pour modifier le visuel de son film, mais aussi pour la musique, et là, ça change un peu la vision qu’on peut avoir de cette petite production.

Tourné avec une petite équipe de 19 personnes pour un budget dérisoire, Explorer From Another World semble être un hommage réellement sincère à cette science-fiction bien kitchos des années 50 et on y retrouve tout ce qui faisait le charme de ces petites productions, à commencer par le jeu d’acteur volontairement exagéré. Tout ce beau petit monde est en surjeu, entre exagération des expressions, et répliques récités comme des acteurs amateurs, au point que ça en devienne parfois ridicule (dans le bon sens du terme). Le fait qu’ils aient été affublés de perruques dégueulasses (parfois mal ajustées), comme pour exagérer les coiffures de l’époque, amène encore plus de ringardise à l’ensemble. Les interactions entre les personnages semblent parfois un peu artificielles, mais il est possible que le casting soit réellement amateur et lorsqu’on regarde la fiche IMDB et qu’on voit que toute la famille « Gay » semble avoir participé au film, on se pose la question si Woody Edwards n’a pas simplement fait appel à tous ses amis et leur famille pour faire son film à moindre frais tout en ayant pour objectif qu’il fasse le plus professionnel possible malgré l’aspect parodique de Explorer From Another World. Et c’est là qu’on est en droit de se demander s’il n’a pas utilisé lA pour donner à son film des allures bien plus « pro », bien plus travaillé visuellement. Car on a vraiment l’impression que le film est sincère tout comme les intentions du réalisateur de donner un spectacle vraiment fun aux quelques spectateurs qui le verront. Et quand on connait les ravages que peut faire l’IA sur une industrie comme le Cinéma, avec son lot de compositeurs, de scénaristes, voire d’acteurs qui pourraient se retrouver sur la paille… Devant les films encore plus aseptisés et artificiels qui risquent d’arriver lorsque certains blockbusters seront entièrement faits par IA… Le vrai amateur de cinéma n’a pas envie que l’IA soit utilisée dans le Cinéma, ou alors à très petite dose pour améliorer des CGI par exemple. Du coup, tout l’enthousiasme de l’amateur de bisserie qui prend du plaisir sur ce genre de film s’en retrouve complètement contrebalancée.

C’est dommage car cette histoire d’extraterrestre explorateur armé de son pistolet laser rétro contre lequel vont devoir lutter ces trois adolescents loufoques et ce professeur excentrique fumeur de pipe était éminemment sympathique. Parce que Explorer From Another World est un film qui ne se prend pas au sérieux et qui veut que les spectateurs le prennent comme tel. Et puis les effets gores sont un régal pour les amateurs de sanquette à l’ancienne, avec geysers de sang bien exagérés, têtes qui explosent à la Scanner, visage qui font à la Body Melt, sécrétions multicolores à la Street Trash, avec en plus un petit making of durant le générique de fin qui nous montre comment ils ont été conçus (à priori sans IA eux). Mais ce visuel aux couleurs très saturées par l’IA sonne trop artificiel si on le met en parallèle au look rétro que le film veut se donner. Certes, les amateurs d’éclairages verts ou rouges en auront pour leur argent et pourront même apprécier l’univers visuel du film, mais quand on aime le côté bricolé de ce genre de film, on aime aussi le côté bricolé et artisanal du visuel, ce qui n’est pas le cas ici car il s’en retrouve parfois trop net et lisse. Dès les premiers plans du film, durant lesquels l’extraterrestre visite notre système solaire, On sent que quelque chose cloche et donc on aborde un peu le reste du film avec méfiance. C’est dommage car, même si l’ensemble est réellement fun, si on veut rendre hommage à ce genre de cinéma, à des bobines comme Plan 9 From Outer Space d’Ed Wood, on pousse le côté artisanal jusqu’au bout, et pas seulement quand on en a besoin. A vous de voir donc de quel côté vous vous trouvez en ce qui concerne l’IA. Si cela ne vous dérange pas, vous pourriez passer un vrai bon moment devant les 44 minutes de Explorer From Another World. Si vous êtes plus sur la réserve, ce bon moment s’en verra réellement atténué…

LE SAVIEZ VOUS ?
• De nombreux spectateurs ont critiqué l’utilisation de l’IA sur ce film sur les réseaux sociaux et le réalisateur a de nombreuses fois réagit un peu trop virulemment au point de se disputer avec les internautes.

Titre : Explorer From Another World
Année : 2024
Durée : 0h44
Origine : U.S.A
Genre : Années 50, technologie 2024
Réalisateur : Woody Edwards
Scénario : Woody Edwards, Stu Fastback

Acteurs : Woody Edwards, Stu Fastback, Dan Freel, Ethan Gay, Harper Gay, Liz Gay, Nolan Gay, Sage Marchand, Dustin Marciniak, Colin McCorquodale, Phillip Pascoe