[Film] Decision to Leave, de Park Chan-Wook (2022)

Hae-Joon, détective chevronné, enquête sur la mort suspecte d’un homme survenue au sommet d’une montagne. Bientôt, il commence à soupçonner Sore, la femme du défunt, tout en étant déstabilisé par son attirance pour elle.


Avis de Rick :
Si dans les sphères cinéphiles et spécialisées dans le cinéma Asiatique, Park Chan-Wook continue film après film de diviser et ce depuis ses débuts, il semble que le réalisateur Sud-Coréen sache toujours faire de l’œil aux critiques dites spécialisées et aux festivaliers. Car après la Palme d’Or pour Old Boy en 2004, après le Prix du Jury pour Thirst en 2009, Park Chan-Wook quitte le festival de Cannes de 2022 avec le Prix du Meilleur Réalisateur. Forcément, avec une telle introduction, et un texte posté sur un site de passionnés cinéphiles un brin spécialisés dans le cinéma Asiatique, je pense que ma position vis-à-vis du cinéaste est claire dés le départ, mais contrairement à certains, je ne déteste pas non plus l’œuvre du metteur en scène. Surcoté, oui clairement, ayant parfois du mal à faire naître l’émotion face à un visuel souvent beaucoup trop froid et calculateur, mais je ne peux nier qu’il sait s’entourer d’une solide équipe (devant et derrière la caméra), que les bandes sons de ses films sont souvent magnifiques, et que, bien que souvent tape-à-l’œil, visuellement c’est joli. Et je ne pourrais pas oublier que parmi sa filmographie traine le film Sympathy for Mr Vengeance, que j’adore. Mais alors qu’au début des années 2000, il enchaînait les métrages pour le plaisir de ses fans, parfois avec réussite, parfois moins (non, je n’ai jamais tenu jusqu’au dénouement de Je suis un Cyborg), mais avec une constance dans certains de ces tics visuels et des longueurs évidentes dans pas mal de ces récits, Park Chan-Wook semble s’être calmé depuis Thirst en 2009. Pour preuve, il n’aura signé en tant que réalisateur que trois films en 13 ans. On passera sur son passage en Amérique avec Stoker, qui m’avait tellement laissé de marbre qu’écrire dessus ne m’avait guère motivé, et il ne reste que deux films, Mademoiselle en 2016 et le film du jour, Decision to Leave. Mademoiselle que j’avais plutôt aimé, contenant de très jolies scènes, mais toujours avec les deux éléments cités avant, ses fameux tics de mise en scène et des longueurs. Malgré tout, en plissant bien les yeux, on pouvait y voir, caché là, une petite évolution dans son style.

Et cette évolution, on la retrouve dans son Decision to Leave, un film deux en un presque, non pas car sa narration et son intrigue est clairement découpée en deux, pour deux enquêtes et deux villes, même si c’est le cas sinon je ne le mentionnerais pas, mais car Decision to Leave affiche presque deux styles assez opposés suivant la partie de l’intrigue qu’il met en scène. Il y a la première partie, celle qui respire le plus le cinéma de Park Chan-Wook, se déroulant dans la grande ville, avec un duo de flics enquêtant sur un possible meurtre, et où la femme de la victime, d’origine Chinoise, et il faut l’avouer, royalement interprétée par Tang Wei, est suspecte. Une partie où le montage s’amuse sur une structure pas toujours linéaire, à mélanger donc les scènes venant de moments différents, où jouant sur l’imaginaire de notre flic, Hae-Jin, s’imaginant toujours au plus près des événements, sorte de fantasme face à son attirance pour la suspecte, le tout amplifié par son propre problème personnel, à savoir, l’insomnie, ce qui lui donne toujours cet air de bonhomme au bout du rouleau. Dans cette partie prenant grossièrement la moitié de la durée du métrage, Park Chan-Wook se lâche, dans des effets de styles qui ne sont pas un mal en soit, mais qui nous détache quelque peu de son but premier à force d’en abuser. Des transitions avec style entre le réel et le fantasme, un montage affuté entre passé et présent, des plans un brin tape-à-l’œil (comment ne pas penser très tôt dans le film à ce plan sur l’œil d’un cadavre, avec une fourmi parcourant le globe oculaire). Le réalisateur applique donc un visuel léché, qui donc met un brin de distance entre le spectateur et la possible émotion de son métrage. Ce qui est clairement dommage, puisque d’émotion il sera question ici, notamment dans la seconde partie. Malgré tout, c’est un plutôt beau travail visuel il faut le reconnaître, et comme toujours, le réalisateur prouve être un très bon directeur d’acteurs d’horizons divers.

Puis vient la seconde partie, ou pour une fois, c’est réellement bien voyant, mais Park Chan-Wook fait preuve d’une vraie maturité. Il délaisse tout effet de style ou presque, les abandonnant au placard (pas de plans hyper léchés et improbables, de transitions « hey tu as vu ce que je sais faire »), et il laisse alors le côté voulu et émotionnel de son intrigue prendre le dessus. Mon principal souci avec cette approche presque deux en un, c’est que la première partie aura tellement installée une distance entre les images et moi que cette émotion, je ne l’ai que rarement ressentie. Malgré encore une fois de très bons acteurs, il faut le souligner, autant Tang Wei que Park Hae-il, ils sont excellents, et ce jeu de séduction, de doute, d’attirance entre les deux fonctionne très bien. Et si le réalisateur se calme en effets de styles sur cette seconde partie, ce n’est pas pour autant qu’il délaisse sa magnifique photographie, livrant des plans parfois sublimes, même dans leur simplicité, comme ce moment sous la neige en haut d’une montagne. Mais outre la distance entre l’émotion et le spectateur, même si celle-ci a apparemment fonctionné sur certains, cette seconde partie souffre également à mes yeux de quelques petites longueurs, ce qui est dommage, mais parfois inévitable avec une telle durée (2h18), mais qui aurait pu sans doute être évité avec de minimes coupes dans la première partie en vérité, pour permettre à l’émotion de fonctionner. En tout cas, on ne va pas se mentir, Park Chan-Wook est en train de faire changer doucement le visage de son cinéma après Mademoiselle, délaissant de plus en plus la violence gratuite et stylisée ou ses scénarios se voulant trop malin pour laisser ses personnages évoluer et exister à l’écran, pour tenter bien plus qu’avant de jouer sur l’émotion. Et ça, c’est un grand pas en avant que je valide.

LE MEILLEUR LE PIRE
♥ Les deux acteurs principaux, très bons
♥ La musique
♥ Le final
♥ Une seconde partie bien plus sobre
♥ Quelques très beaux plans
⊗ Un abus d’effets de styles dans la première partie
⊗ Un certain détachement vis-à-vis de l’émotion
⊗ Quelques longueurs
note2
Après Mademoiselle, le dernier Park Chan-Wook est un nouveau pas en avant. Un poil plus mature, plus sobre dans sa seconde partie, le film a toujours certains des défauts habituels du réalisateur mais parvient malgré tout à passionner la plupart du temps.


Titre : Decision to Leave / 헤어질 결심
Année : 2022
Durée :
2h18
Origine :
Corée du Sud
Genre :
Policier
Réalisation :
Park Chan-Wook
Scénario :
Jeong Seo-kyeong et Park Chan-Wook
Avec :
Tang Wei, Park Hae-il, Lee Jung-hyun, Go Kyung-pyo, Park Yong-woo, Jung Yi-seo, Kim Shin-young, Park Jeong-min, Seo Hyun-woo et Teo Yoo


Galerie d’images :

0 0 votes
Article Rating

Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Lucio Fulci, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires