[Film] Spring Subway, de Zhang Yibai (2002)


Jian Bin est un homme au chômage depuis quelques mois, ce qu’il cache à son amie avec laquelle il vit depuis des années. Leur couple vacille avec le poids des années, et celui-ci devra affronter avec sa compagne les épreuves de la vie.


Avis de Best :
Réalisateur encore peu connu, Zhang Yi Bai mérite pourtant que l’on s’intéresse de près à lui. Auteur de l’une des trois histoires d’About Love (2005) présentées sous la forme de moyens métrages, il continue ainsi de mettre à profit les qualités entrouvertes dans le film qui nous concerne aujourd’hui, Spring Subway (2002), où il explore avec talent le quotidien de la vie amoureuse. Dans ce film, c’est au travers de quelques individus menant une vie tout ce qu’il y a de plus banale qu’il nous entraîne dans les tumultes de l’amour, pour au final nous offrir ce qui s’avère pour moi une nouvelle très belle découverte du cinéma de Chine continentale. En effet, on suit avec intérêt ce chevauchement de petites histoires habitées par un mélange de mélancolie, de tristesse et de joies simples, avec pour toile de fond une histoire d’amour mise en danger par le temps qui passe et la lassitude qui s’en suit.

En premier lieu, Spring Subway nous invite à partager le quotidien d’une relation en l’apparence déjà consumée entre Jian Bin et son amie Xiao Hui. Une liaison qui attend désespérément de prendre un nouveau virage pour s’envoler à nouveau vers un bonheur autrefois si présent et communicatif. Un peu comme quand la flamme de la passion s’éteint et attend désespérément d’être ravivée. Dans un même élan, le réalisateur évoque par l’intermédiaire de nombreuses petites histoires qui se croisent et s’entremêlent, le désespoir, la solitude, la recherche de l’âme sœur, ou tout simplement les balbutiements de l’amour. On voit alors évoluer sous notre regard charmé un panel de personnages attachants, dans ce monde ordinaire fait de petites habitudes et autres banalités. Tout cela pour nous exposer à la vision d’une vie dans laquelle chacun d’entre nous peut se retrouver. Ames errantes, cœurs solitaires à la recherche d’une épaule sur laquelle s’appuyer, de quelqu’un à qui se confier. Des hommes et des femmes égarés dans un quotidien qui ne nous sera pratiquement jamais dévoilé, mais que l’on devinera sans peine grâce aux fragments d’informations que représenteront par exemple ces quelques mots lâchés au détour d’une brève conversation. Une existence dont l’on décèlera la teneur au travers d’une attitude, d’un geste hésitant en l’apparence insignifiante mais dont le réalisateur aura réussi à saisir l’essence même. L’auteur a choisi comme point commun à la plupart de ces personnages un lieu où l’on se croise tous les jours sans pour autant se connaître. Un endroit où vivent en chacun, à l’abris du regard de l’autre, bonheurs et désespoirs. Ceux d’une journée écoulée, ceux d’une vie passée ou à venir. Un lieu symbolique, personnification du quotidien et où se tisse une toile de relations et d’expériences qui n’est autre que le métro.

Le réalisateur fait preuve de beaucoup de tendresse à l’égard de ses personnages, auxquels il apporte une attention toute particulière. Ce regard protecteur et plein de sensibilité a pour effet de nous faire partager leurs émotions sans que l’on ressente le besoin de les connaître dans leurs moindres recoins. Cette part très importante de mystère joue elle aussi un rôle majeur dans notre rapport avec chacun. Quelques instants suffisent pour que l’on se retrouve attaché à eux, et que l’on espère qu’ils trouvent le bonheur, même l’espace d’un instant. Car on prend rapidement conscience que la gentillesse et la sincérité qui se lisent sur leurs visages, contrastant avec cette souffrance intérieure, sont d’une réelle authenticité. Attardons-nous à présent quelques instants sur la relation évoquée plus haut entre nos deux âmes sœurs mises à l’épreuve du temps. Si la passion a disparue, la colère ou la violence n’ont jamais fait leur apparition, et l’on sent que chacun souffre de cette absence de communication. On se dit alors qu’ils ne trouvent tout simplement pas les mots pour exprimer ce qu’ils désirent au plus profond d’eux même. Car les sentiments sont encore palpables, et les souvenirs heureux toujours présents. Cette envie que tout redevienne comme avant, sans pour autant arriver à changer le cours des choses, est particulièrement frappante. Au cours de cette douloureuse période où chaque mensonge semble ouvrir une plaie supplémentaire, chacun sera amené à partager quelques moments privilégiés avec celui ou celle auprès duquel ils se sentent bien, apaisés, comme rassurés, et avec qui ils peuvent tout oublier l’espace d’un instant. Des amis ou de simples connaissances avec qui une vie commune serait tout sauf inenvisageable. D’où une question lancinante qui se pose alors. Leur relation sera-t-elle mise en péril ou au contraire sera-ce le point de départ du renouveau espéré ?

Ici, point besoin de longs discours. L’essentiel de nos émotions passent par le ressenti et trouvent leur raison d’être dans l’ambiance douce amer qui habite le film. Cette atmosphère dans laquelle nous plonge la réalisation fluide et inspirée de Zhang Yi Bai dans laquelle j’ai cru reconnaître par moments la virtuosité rencontrée au travers des films de Fruit Chan (Made in Hong Kong, Durian Durian) et Shunji Iwai (Swallowtail Butterfly, Love Letter). Ou encore cette faculté à filmer la souffrance liée au temps qui passe si présente dans les films de Wong Kar Wai (Chungking Express, In the mood for love). Ce qui donne un résultat pas encore totalement maîtrisé, mais qui recèle une force brute digne des plus grands et laisse augurer un futur radieux pour le réalisateur. Pour finir, un mot sur la performance des acteurs, pleine de justesse et de sincérité et où l’on décèle un talent certain. Au travers de ce jeu où les dialogues se font rares et où beaucoup passe par la gestuel, on ne peut que saluer leur prestation.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des personnages très bien écrits
♥ Des acteurs au top
♥ Mise en scène fluide et inspirée
♥ Des émotions très bien retranscrites
⊗ …

Un film que je vous encourage à découvrir sans plus tarder, pour que vous puissiez vous aussi partager l’espace d’un instant privilégié la souffrance et la joie de ces quelques êtres si peu connus et pourtant tellement proches.



Titre : Spring Subway / 开往春天的地铁
Année : 2002
Durée : 1h33
Origine : Chine
Genre : Drame
Réalisateur : Zhang Yibai
Scénario : Liu Fendou

Acteurs : Geng Le, Xu Jing Lei, Zhang Yang, Wang Ning, Fan Wei, Ke Lan, Gao Yuanyuan, Tu Qiang

 Kai wang chun tian de di tie (2002) on IMDb


5 1 vote
Article Rating

Auteur : Best

Même après toutes ces années, les fights et autres cascades lui sont d’une réjouissance sans pareil. Les tranches de vie où les personnages sont au cœur des débats sont toujours un ravissement. Qu’il s’agisse d’un film bien con ou de toute autre chose, peu importe. Le bonheur cinématographique se trouve partout. Comme le veut la formule ; « Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ai l’ivresse ».
S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments