[Film] Le Sabre du Mal, de Kihachi Okamoto (1966)


Ryonosuke est un samouraï sans scrupules. Lors d’un combat dans une école, il tue son adversaire, et se retrouve poursuivi par le frère de celui-ci.


Avis de Yume :
Sword of Doom est un vrai film de Chambara. En général, la distinction entre Chambara et film de samouraï est ardue et on a tendance à dire que ce dernier est un Chambara quand il y a pleins de combats sanglants. Mais l’essence même du Chambara n’est pas le samouraï ni le Bushido. C’est le sabre, le katana. Ici le katana est au centre de l’histoire. Il est l’extension de Ryunosuke. En effet cet anti-héros, personnage principal du film, ne vit que pour démontrer qu’il est le plus fort. Mais il est aussi corrompu par le désir d’être réellement le plus puissant. Il en devient donc violent, meurtrier. Lors de la seconde rencontre entre Ryunosuke et Maitre Shimada, ce dernier explique :

Le Sabre est l’Ame,
Etudie l’Ame pour étudier le Sabre
Une Ame malveillante, un Sabre malveillant

Toujours est-il que Mishima, de son vrai nom Kimitake Hiraoka, connu comme un écrivain homosexuel, tel un être fasciste, charmé Lorque Ryunosuke ne porte pas son Sabre, il est comme abattu, renfermé, léthargique. Mais le Sabre à la main, il redevient combattif. Plusieurs autres fois le Sabre est au premier plan de l’image. Il devance à notre vue les personnages vivants du film, en faisant un acteur incontournable et omniprésent. Mais ce qui est encore plus frappant, c’est que Ryunosuke ne prend pas plaisir à tuer, il prend tout simplement plaisir à utiliser son Sabre ; cet autre lui. C’est réellement sa seule raison de vivre. Mais l’utilisation du Sabre n’entraine que la mort autour de lui. C’est une résultante logique de ses actions. Et de plus la spirale de la violence se referme lentement sur lui, car il est obligé de combattre, donc de tuer, pour survivre aux vengeances des proches de ceux qu’il a déjà tué.

Et comme le montre la scène finale, Ryunosuke est hanté par ses victimes. Il n’arrive pas à les oublier, à accepter. Et lorsqu’il veut frapper ces démons invisibles qui le hantent, il devient maladroit meme le Sabre en main. Seul le combat à venir contre des êtres de chairs et de sang lui rendra sa superbe. On peut être étonné par le traitement du film en lui-même. Il y a énormément de personnages. Et tous ne servent l’histoire proprement dite. Il faut savoir que Sword of Doom est l’adaptation d’une trilogie des années 1920. Et que ce film tend à résumer cette trilogie en un volet. Ceux qui connaissent le film pourront avoir été déçus par la fin. Mais à mon sens, c’était la seule façon de terminer le film. Le terminer comme Ryunosuke a vécu, de façon heureuse car il est enfin débarrassé de ses démons.

Comme la plupart des films de cette époque un grand soin a été apporté aux décors, aux costumes et aux lumières. On ne peut qu’être admiratif devant l’image qui offre de superbes contrastes entre noir et blanc comme ces quelques scènes de nuit dans la neige. Et le film est aussi énormément travaillé et maitrisé au niveau des plans et prises de vue. Le plan fixe restant une valeur sure, laissant le jeu des acteurs prépondérer sur le reste. Quant aux jeux des acteurs, on ne peut qu’être subjugué. En effet Nakadai campe un Ryunosoke froid et violent, mais aussi faible. Son regard est noir et dur, et il reste imperturbable tout le long du film. Face à lui on trouve le grandissime Toshiro Mifune (mon acteur jap préféré), très peu présent mais crevant l’écran à chaque apparition du fait de sa stature digne et de sa voix profonde.

Mais on peut aussi voir Sword of Doom comme un film montrant la fin d’une époque. En effet en faisant un rapide résumé historique, le Japon s’est ouvert à l’étranger en 1853, les Shoguns (Seigneurs féodaux) ayant ouvert la voie aux étrangers sans l’accord de l’Empereur, croyant y trouver bénéfice. Il s’en suivit une grave crise nationale, surtout concentrée à Kyoto, la Capitale. Deux Clans se liguèrent donc contre le shogunat pour le renverser et remettre sur le trone un Empereur puissant. Pour se défendre les Shoguns créèrent une milice nommée le Shinsengumi, ou loups du Mibu, en Mars 1863. Ils étaient réputés pour leur caractère violent, et leur envie de protéger l’ancien régime et les anciennes règles qui étaient en train de changer. Dans le film Ryunosuke travaille pour eux, la fin se déroulant même lors des premières réunions des Shisengumi au printemps 1863. Il représente donc d’une certaine façon l’image de Samouraï, l’image d’un monde et d’un état d’esprit qui va s’écrouler dans les années à venir avec la chute du bakufu vers 1867. Et c’est là un des principaux attraits de Sword of Doom. Cette partie politique qui donne une substance à l’ensemble, rendant le film plus réaliste.

LES PLUS LES MOINS
♥ Le sabre, un vrai personnage
♥ Visuellement beau
♥ Le jeu des acteurs
♥ La construction du scénario
⊗ …
Au final, Sword of Doom est un grand film de Chambara, magistralement construit et interprété. Une référence dans le monde du cinéma japonais. A posséder absolument.



Titre : Le Sabre du Mal / Sword of Doom / 大菩薩峠
Année : 1966
Durée : 2h00
Origine : Japon
Genre : Chambara
Réalisateur : Kihachi Okamoto
Scénario : Shinobu Hashimoto

Acteurs : Tatsuya Nakadai, Yuzo Kayama, Michiyo Aratama, Toshiro Mifune, Yoko Naito, Kei Sato, Tadao Nakamaru, Akio Miyabe, Ichiro Nakaya

 Le sabre du mal (1966) on IMDb


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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