[Avis] Autumn Moon, de Clara Law

Titre : Autumn Moon
Année : 1992
Durée : 1h47
Origine : Hong Kong
Genre : Drame

Réalisateur : Clara Law

Acteurs : Nagase Masatoshi, Ang Ching-yee, Tsang Yuet Guen, Sung Lap Yeung, …

Synopsis : Un japonais ne sachant plus trop où il en est de sa vie se rend à Hong Kong en quête de réponses. Il y rencontre une jeune Hong Kongaise avec laquelle il se liera d’amitié.

Avis Best : Lorsqu’un scénario attire l’œil, le signe est toujours positif. Mais encore faut-il que le reste soit à la hauteur et donne une réelle consistance au récit. Heureux gens que nous sommes, Clara Law n’a pas oubliée cette règle d’or. Elle réussit le paris de créer une œuvre faisant aussi bien appel à notre ressenti qu’à notre esprit, tout en assurant une esthétique de qualité.
Dans Autumn Moon, le thème principal n’est autre que la quête de soi, agrémentée de nombreuses pistes de réflexion menées avec talent. Cette recherche existentielle constitue le fil rouge d’une histoire simple et attachante, où l’importance des rencontres rejaillira sur chacun, tant elles permettront aux protagonistes de trouver des pièces à leur puzzle sentimental. Une reconstitution à la fois douloureuse et nécessaire qui trouvera un échos particulièrement attentif, tant l’empathie est grande avec ces âmes égarées sur le fil de la vie.
S’ils ne sont pas nombreux, les personnages sont touchés par une réelle profondeur. Beaucoup de soin a été accordé à chacun d’entre eux, ce qui s’avère le meilleur moyen de décortiquer les rouages de leurs existences et d’affiner l’étude psychologique entreprise par Clara Law. Pour Tokio, japonais proche de la trentaine débarqué à Hong-Kong, la vie n’est pas vécue et l’amour survolé. Depuis trop longtemps, les sentiments ont été effleurés, jusqu’à s’éteindre, sans espoir de se raviver. Caméra à la main, il promène son mal être sans pour autant le cracher à la face du monde. Au contraire, il le garde enfoui au plus profond de soi et ne se départi jamais d’une sincère gentillesse, couplée à une bonne humeur naturelle. Plus que tout, il souhaite voir disparaître son vague à l’âme, ou tout au moins l’atténuer. Mais comment faire pour y parvenir ? La question reste entière et les tâtonnement se multiplient. A la recherche de réponses, il ne sait par où commencer et se laisse porter au gré du vent. Preuve de cette solitude, son partenaire technologique est devenu le principal témoin de son existence. Garant de sa venue sur terre, il capture l’instant présent et préserve les souvenirs futurs. Une triste réalité masquée par des illusions que le temps s’évertue à atténuer.
Bien que temporaires, on ne peut réchapper aux questionnements de son cœur, dès lors que la décision est prise de s’y plonger, guidé par un inexorable besoin de savoir où l’on en est de sa vie. Cette vie qui suit son cours et ne s’arrête jamais malgré les épreuves. Joueuse et changeante, elle trace un destin aux sillages incertains. Tout juste ralenti-t-elle de temps à autre, par la force des choses où la volonté de prolonger de rares moments de tendresse. Des instants privilégiés où le bonheur fait un retour inexpliqué, où la simplicité surpasse enfin cette terrible tendance des événements à se compliquer.

La jeune fille rencontrée par Tokyo, proche d’un départ pour le Canada où elle doit rejoindre sa famille, et avec laquelle se crée une savoureuse relation d’amitié, apportera un souffle lumineux dans son existence. Dans une situation différente, cette jeune Hong-Kongaise doit encore se créer ses souvenirs et faire face à la découverte des sentiments, qu’ils soient heureux ou douloureux. Elle trouvera en Tokyo un grand frère avec lequel elle partagera ses doutes, ses interrogations, ainsi que ses espoirs, tandis que Tokyo se découvrira l’égal d’une petite sœur.
Ce désir d’affection et de partage n’est jamais démenti et se matérialise par l’envie des protagonistes que l’on s’intéresse à eux. Un besoin d’attention devenu primaire. Il importe à ces âmes en transition de trouver quelqu’un à qui parler, se confier. Peu importe de qui il s’agit et d’où il vient. Seule la présence compte. Celle d’une oreille prête à écouter, et peut-être même susceptible de comprendre. Cette si improbable épaule sur laquelle s’appuyer.

D’autres points son également évoqués avec un raisonnement gardant une ligne de conduite semblable. Parmi elle, la différence de cultures et de générations, l’apprentissage de l’autre dans ce qu’il représente, aussi bien en terme de ressenti que d’expériences. Ici, la barrière de la langue est limitée par une pratique commune de l’anglais. Hésitante mais appliquée, elle crée une passerelle entre les personnages.
Le déracinement, la peur de l’inconnue, le temps de faire le point sur sa vie passée et l’impasse du futur sont eux aussi omniprésents. Du début à la fin, on est marqué par cette volonté de se sentir vivant, même dans la souffrance. Le déracinement et l’équilibre précaire entre liberté et solitude sont eux aussi évoqués par le biais d’une autre personne, l’ancienne connaissance japonaise de Tokio, désormais installée à Hong Kong tandis que sa famille est restée au pays.
Vivre dans le passé et les souvenirs les empêchent de songer à l’avenir. Il devient alors difficile pour eux d’envisager sereinement le futur. On se force à croire que l’on est heureux, puis vient le jour où l’on ouvre les yeux. Sans surprise, le réveil n’est est que plus difficile et apporte son lot d’incertitudes. C’est alors que tout s’enchaîne et qu’un torrent infini de questions dévale à toute vitesse, dans un cœur fragilisé par le vide d’une existence vouée à on ne sait quelle utilité. A côté, une quête infinie se profile. Celle d’un espoir nouveau que l’on cherche à partager pour se rassurer et confirmer le sens de sa démarche.

La famille de la jeune fille, portée en premier lieu par le personnage épatant de la grand-mère, approfondi d’autres pistes de réflexion, dont celle du départ à l’étranger. Un changement total, et une passerelle vers de nouveaux horizons où l’on espère trouver une vie meilleur, pensant que l’herbe est plus verte dans le champs d’à côté. Peut-être aussi parce que son pays ne peut offrir l’avenir désiré, ou simplement que l’on n’y croit plus en cette douloureuse approche de rétrocession. Une absence de présent et la nécessité de faire un choix, comme si chacun était dans une bulle, en stationnement entre deux mondes.

La douceur des images doit beaucoup à la magnifique photo et au sens du cadre de Clara Law. Sa réalisation discrète, ainsi que la mise en scène subtile, complètent un tableau de maître, et en font une œuvre à savourer sans retenue.

Avec Autumn Moon, Clara Law berce nos cœurs et tourmente nos sens avec un immense talent. Envoûtant.

9/10

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Auteur : Best

Même après toutes ces années, les fights et autres cascades lui sont d’une réjouissance sans pareil. Les tranches de vie où les personnages sont au cœur des débats sont toujours un ravissement. Qu’il s’agisse d’un film bien con ou de toute autre chose, peu importe. Le bonheur cinématographique se trouve partout. Comme le veut la formule ; « Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ai l’ivresse ».
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