[Film] Zombie 4 (1988)


Sur une petite île exotique, s’est installé un groupe de scientifiques luttant contre les graves maladies. Ils échouent cependant à guérir la fille d’un sorcier adepte du vaudou. Fou de rage, ce dernier invoque les forces du mal et fait revenir les morts sur terre. Seule une petite fille, dotée d’un médaillon magique donné par sa mère, échappe au massacre. Une vingtaine d’années plus tard, elle revient sur l’île, accompagnée de quelques baroudeurs, afin d’en percer le mystère. Trois aventuriers s’y rendent aussi, et l’un d’eux fait l’erreur de lire à haute voix les incantations inscrites sur un vieux grimoire trouvé dans une grotte. Les zombies surgissent alors de partout, affamés de chair humaine. Les survivants se réfugient dans une mission abandonnée, bientôt encerclée par les morts-vivants…


Avis de Ghoulish :
Alors que le cinéma de genre italien se trouve en plein déclin à la fin des années 80, certains réalisateurs persistent à nous donner du zombie. Le thème, maintes fois exploité et ayant eu son heure de gloire dans l’Italie de la fin des années 70 et du début des années 80, juste après la sortie du célèbre et visionnaire ‘Zombie’ (‘Dawn of the Dead’, 1978) de George Romero, nous a offert de tout. Du chef d’œuvre morbide comme les films de Lucio Fulci (‘L’enfer des zombies’, ‘Frayeurs’, ‘L’au-delà’), du film d’exploitation gore mélangeant les genres (‘La terreur des zombies’ de Marino Girolami, présentant zombies et cannibales), du nanar de compétition (le cultissime ‘Virus cannibale’ de Bruno Mattei), du zombie avant-gardiste (les marathoniens de ‘L’avion de l’apocalypse’ d’Umberto Lenzi), en passant par tout un tas de pelloches plus ou moins agréables (‘Pulsions cannibales’, ‘La nuit fantastique des morts-vivants’, ‘Le manoir de la terreur’, ‘L’aube des zombies’), le genre s’est très vite essoufflé. Même la variation intéressante découverte avec les deux ‘Démons’ de Lamberto Bava et produits par Dario Argento n’a pas suffi à relancer la machine. Il n’est donc pas étonnant que Lucio Fulci, très attendu pour un éventuel grand retour avec ‘Zombi 3’, rate le coche, hélas malade mais aussi en grave désaccord avec son équipe.
En effet, le tournage aux Philippines tourne au cauchemar pour le réalisateur : lui désire un film d’horreur traditionnel, alors que ses producteurs préfèrent l’action pure à la ‘Rambo’ (enfin, plutôt à la ‘Strike commando’, pour les connaisseurs). En résulte un film hybride, en partie réalisé par le maître et en partie shooté par Bruno Mattei, le tout sous l’œil de Claudio Fragasso. Des noms que les amateurs de nanars connaissent bien. Pour une histoire plus détaillée à propos de ‘Zombi 3’, je vous invite à une prochaine chronique (voire un dossier), car une telle aventure mérite plus qu’un simple survol. Pour l’heure, place donc à ‘Zombie 4’ !

Ne vous fiez pas au chiffre accolé derrière le titre, puisqu’il ne s’agit que d’un ajout purement commercial, destiné à surfer sur la vague instaurée par ‘Zombie’ dix ans plus tôt. Petit rappel : ‘Dawn of the dead’ de George Romero, est remonté pour l’Europe par Dario Argento, le film se renommant alors ‘Zombie’. Dès 1979, Lucio Fulci met en boîte ‘L’enfer des zombies’, titré abusivement par les producteurs ‘Zombi 2’ (et se nommant aux USA… ‘Zombie’ !). Une mode courante à l’époque en Italie, où beaucoup n’hésitaient pas à reprendre le nom d’un film connu et d’en ‘proposer’ une suite, n’ayant bien entendu rien à voir avec le matériau d’origine. L’amateur se souvient des improbables ‘Alien 2 : sulla terra’ (aka ‘Le monstre attaque’) et ‘Terminator 2’ (aka ‘Shocking dark’, de Bruno Mattei himself). Vient donc en 1988 le ‘Zombi 3’ de Fulci/Mattei, l’officiel on va dire, puisque de ‘faux’ ‘Zombi 3’ verront le jour avant même la sortie du ‘vrai’. Ce sont donc ‘Le manoir de la terreur’ (‘Zombie 3’ avec un ‘e’, d’Andrea Bianchi en 1980) et ‘Le massacre des morts-vivants’ (tardive ressortie en ‘Zombie 3’ du chef-d’œuvre de Jorge Grau, réalisé en 1974)… Si vous suivez toujours, ‘Zombie 4’ arrive donc en 1988, la même année et juste après le ‘Zombi 3’ fulcien. La vidéo va poursuivre dans le vice en nous proposant aussi un ‘Zombie 5’ (aka ‘Killing birds’ de Claudio Lattanzi, tourné pourtant en 1987 !) et même un curieux ‘Zombie 6 : monster hunter’, qui n’est autre qu’une ressortie du ‘Horrible’ de Joe d’Amato… Là, ça n’a carrément plus rien à voir. Mais, pour l’heure, intéressons-nous donc à ce ‘Zombie 4’, de son titre original ‘Oltre la morte’, alias ‘After death’. Il est bien sûr évident que, comme les précédents ‘épisodes’ de cette fausse série, celui-ci propose une intrigue totalement indépendante des autres (encore que ‘Zombi 2’ peut se placer aisément en prélude de ‘Zombie’, lui-même suite de ‘La nuit des morts-vivants’, et qui sera suivi plus tard par ‘Le jour des morts-vivants’, qui sera renommé parfois… ‘Zombie 2’ !! Bon OK j’arrête sinon tout le monde va se perdre).

Puisque les budgets très économiques, Bruno Mattei et Claudio Fragasso sont synonymes, les deux compères décident, juste après les ultimes reshoots de secours de ‘Zombi 3’, d’entamer dans la foulée le tournage d’un autre film de zombies. Les décors naturels superbes des Philippines se prêtent bien au genre, et c’est Fragasso qui se colle cette fois à la mise en scène, sous son pseudonyme de Clyde Anderson, Mattei n’apparaissant pas au générique, même sous pseudo.
Avec un scénario co-écrit avec sa compagne Rossella Drudi, Fragasso ne s’embarrasse pas de subtilités : une malédiction, une île maudite, quelques personnages vite esquissés, des zombies, et voilà, le tour est joué ! Pas besoin de réfléchir, Fragasso et son sens du système D transportent le spectateur friand de gore dans une petite aventure exotique pas désagréable, fun, débile et décomplexée. Nous sommes bien venus pour ça, pas pour du film d’auteur.
Dès lors, Fragasso ne se gêne pas pour mélanger allègrement les références. On pense tour à tour à ‘Evil dead’, ‘Démons’, ‘L’enfer des zombies’, ‘Zombi 3’, pour ne citer que ceux-là. Rapides ou lents, sautant comme des ninjas et bavant comme des démons (ou plutôt des trolls, puisqu’ils bavent tout vert, nous rappelant le fantabuleux ‘Troll 2’ de… Claudio Fragasso !), les morts-vivants, revêtus pour la plupart des mêmes frusques sombres, bouffent avec gourmandise un casting coutumier du cinéma Bis. Grimoire aux incantations maudites (avec un titre écrit… en anglais !), île hantée où deux groupes d’explorateurs se retrouvent par hasard au même moment, zombies rapides ou lents, aux dents plus ou moins longues, on ne cherche pas ici une quelconque logique, proposant juste un spectacle résumant plusieurs années de la zombisploitation en un temps très bref (environ une heure vingt de projection).

Si la photographie tire plutôt bien son épingle du jeu, grâce à la photogénie évidente de l’Asie du sud-est, et malgré quelques plans plus laids car trop sous-exposés (souvent les plans à l’intérieur de la mission abandonnée), la direction artistique n’est pas du même niveau. Malgré leur présence toujours agréable et sympathique, les comédiens, pour la plupart des habitués du genre, sont loin d’être des lumières. Le pompon, c’est le héros, incarné par Jeff Stryker (de son vrai nom Chuck Peyton), à l’époque icône du cinéma porno gay. Tout un programme ! ‘Zombie 4’ constitue donc son premier film ‘normal’, et cela se voit, le pauvre comédien ayant bien du mal à décrocher une autre expression que sa moue boudeuse, mine de dire ‘Je suis très en colère’ ou ‘J’ai trop peur’ ! Incapable de comprendre les indications du réalisateur (ne partageant pas un seul mot de sa langue), le jeune homme, en permanence habillé d’une chemisette ouverte sur son torse musclé, fera sans doute fantasmer les gays, mais plutôt bien rire tous les autres. Plus intéressant, c’est la présence de la toute mignonne Candice Daly, qui, malgré un rôle hyper basique, s’en sort plutôt bien.

Répondent ensuite à l’appel une poignée d’acteurs résidant aux Philippines et habitués aux tournages kamikazes. Nick Nicholson et Jim Gaines ont débuté en tant que figurants sur ‘Apocalypse now’, ne quittant plus depuis les plateaux de tournage philippins. On peut les voir notamment dans le ‘American warrior’ de Sam Firstenberg avec Michael Dudikoff, mais aussi dans un tas de films Bis plus ou moins nanardeux. En vrac, ‘Eliminator’, ‘Fighting spirit’ (aka ‘King of the kickboxers 2’ ), ‘Blood hands’, ‘Les massacreurs’… Du Bis guerrier et d’action comme on l’aime. Don Wilson, lui, a joué aussi aux Philippines, mais chez Cirio Santiago. Jim Moss, on le retrouve très souvent avec Nicholson et Gaines, d’ailleurs ils furent amis dans la vraie vie. Pour finir ce tour d’horizon, citons Massimo Vanni, trimballant son pseudonyme habituel de Alex McBride, et qui n’est autre que le cousin du réalisateur Enzo Girolami Castellari. Vanni, habitué très jeune aux plateaux de tournage, a tout de même donné la réplique à Fabio Testi (‘Big racket’) et à Luc Merenda (‘L’exécuteur vous salue bien’). Très actif dans le film d’action, policier, de science-fiction, post-apocalyptique et d’horreur, on le voit dans plusieurs films de Bruno Mattei (‘Les rats de Manhattan’, ‘Robowar’, ‘Zombi 3’), puis dans des titres variés comme ‘Les guerriers du Bronx’ 1 et 2, ‘Les nouveaux barbares’, ‘Le masque de cire’ (celui de Sergio Stivaletti), ‘Héros d’apocalypse’… A la fois comédien, maître d’armes et cascadeur, Vanni prouve son talent indéniable au combat à mains nues, déjà dans ‘Zombi 3’, puis une nouvelle fois ici. Hélas, si son jeu n’est pas exceptionnel, le comédien est plutôt sous-employé, son personnage étant éliminé à la moitié du métrage (comme pour la plupart de ses autres prestations). Choix volontaire car désir de travailler aussi derrière la caméra ? Peut-être bien.

Avec cette distribution qui ravit les amateurs de bisseries, ‘Zombie 4’ se révèle un petit produit fauché mais agréable. Sa courte durée permet de conserver un rythme nerveux constant, malgré une action très répétitive (arrivée des zombies, victimes, fuite, retour des zombies, victimes, défense, fuite, c’est comme ça tout du long). Niveau maquillages et effets spéciaux, le métrage se montre généreux. C’est gore, rigolo et fun, Franco Di Girolamo (déjà à l’œuvre sur ‘L’avion de l’apocalypse’ et ‘Zombi 3’) s’en donnant à cœur joie. S’il ne montre pas un talent aussi affirmé que Gianetto de Rossi (‘L’enfer des zombies’), il s’en tire très bien avec un budget qu’on devine anémique. Enucléation, arrachage de visage, éventration, morsures, coulées de bave verdâtre, têtes explosées, zombie torche, rien ne manque au cahier des charges. C’est bien là l’essentiel.
Rythmé par une musique électronique répétitive, entêtante et plutôt fun, teintée de nappes atmosphériques fidèles au genre depuis le début des années 80, le film se paie le ‘luxe’ d’une chanson composée pour l’occasion, un rock FM bien sympa.
OK, tout ça ça craint un peu, mais ‘Zombie 4’ ne présente aucune prétention, il n’est là que pour nous distraire et nous amuser. Et son côté un peu ringard n’est qu’un aspect récurrent de ce type de films, une sorte de marque de fabrique, plutôt la preuve d’un délire gore assumé et décomplexé. Le navet, c’est trop ennuyeux et ‘Zombie 4’ n’ennuie pas une seconde. Il représente d’ailleurs une sorte d’adieu au film de genre italien, les zombies en étant à leurs derniers souffles dans le pays. Les spectateurs sont déjà passés à autre chose, mais les bisseux nostalgiques se réjouissent encore. ‘Zombie 4’, comme ‘Zombi 3’ d’ailleurs, semble quelque peu avoir inspiré certains jeux vidéo de zombies. Difficile de ne pas penser à ‘House of the dead’ et le film qui en a été tiré.

Alors, certes, ‘Zombie 4’ présente un spectacle un peu décérébré, les personnages caricaturaux (et le cabotinage de Nick Nicholson en tête, en opposition au monolithique Jeff Stryker) attestant cet état de fait, mais l’action constante et les nombreux passages gores démontrent une énergie et une générosité qui, dans les limites d’un budget minuscule, rendent l’ensemble distrayant et drôle. Malgré son opportunisme et son talent limité, Claudio Fragasso, tel un gamin avec son circuit et ses petites voitures, se fait plaisir et nous fait plaisir. Une bonne humeur communicative d’autant plus agréable qu’il faut savoir que le réalisateur, décidément infatigable, enchaînait simultanément le jour et la nuit les tournages de ‘Strike commando 2 : mission suicide’ et ce ‘Zombie 4 : after death’. Boulimique de travail et sachant se débrouiller coûte que coûte, malgré la fatigue, un climat difficile, une somme riquiqui et un comédien principal qui n’arrange rien, Fragasso s’en tire plutôt pas mal. ‘Zombie 4’ ne prétend pas révolutionner le genre, il se contente de donner à l’amateur ce qu’il attend d’un tel produit. Et c’est pour cela que l’on peut aimer (ou non) un tel petit film.
Il en reste aujourd’hui cette même sensation nostalgique, où les effets de plateau dominaient, souvent faits de bric et de broc. Mais c’était ça l’aventure du vrai cinéma. De cette aventure Bis, certains de ses participants ont hélas tiré leur révérence. Plus de Bruno Mattei, plus de Nick Nicholson, plus de Candice Daly (snif). Mais les autres continuent de rendre hommage au film et à cette période si chère aux cinéphiles déviants, participant à de nombreuses conventions et intervenant dans tout plein de beaux bonus vidéo.

LES PLUS LES MOINS
♥ Rythme soutenu
♥ Généreux et gore
♥ Musique sympa
♥ Fun et décomplexé
⊗ Jeff Stryker expressif comme un caillou
⊗ Massimo Vanni sous-employé
⊗ Très inspiré de nombreux autres films
⊗ Photographie parfois sous-exposée
Note :
‘Zombie 4’, un des derniers représentants d’un cinéma Bis en plein déclin en Italie, c’est donc une gourmandise qui propose un spectacle d’action gore sans surprise réelle, mais sans temps mort. Une oeuvrette sans prétention aucune, amusante et distrayante, nanaresque sur les bords, mais tellement fun que l’on ne s’ennuie pas.

Resté longtemps inédit en France et donc en VHS, le film débarque tardivement en DVD via le regretté éditeur Néo-publishing. Copie correcte mais pas exempte de défauts, cette édition reprend le master déjà publié aux USA chez Media blasters/Shriek show. Seuls les bonus changent : on troque les interviews de Jeff Stryker et de Claudio Fragasso contre un documentaire non monté d’une heure, où l’on suit le tournage de la toute première séquence, la seule tournée dans un studio italien (dont le décor sera réemployé dans ‘The sect’ de Michele Soavi). Galerie de photos, filmographies et commentaire audio de Claudio Fragasso complètent le tout. Ce disque de bonne facture propose aussi un doublage français, en plus de la version anglaise, ce qui rend l’édition très intéressante. Pour les collectionneurs, un disque italien (proposant uniquement la version italienne), d’une qualité d’image similaire, présente un nouveau documentaire, avec notamment des interviews de Fragasso, sa compagne Rossella Drudi et de Massimo Vanni. Question Blu-ray, le premier à offrir la HD à ce fleuron du Bis est l’américain Severin films, lequel nous sort un disque collector en mai 2018. Avec un master restauré en 2K, sans atteindre la qualité technique du dernier ‘Superman contre Batman rencontrent les mutants X de la planète Thor’, la copie apporte un nouveau confort non négligeable pour le fan complétiste. Bonus de taille : la bande originale du compositeur Al Festa est offerte en CD dans le boîtier, elle qui était restée totalement inédite jusque-là. Que du bonheur ! Les suppléments vidéo sont ceux du DVD Shriek show, ni plus, ni moins. Les anglais amateurs de bisseries de collection de chez 88 films répliquent en octobre de la même année en sortant leur propre Blu-ray, sans la BO cette fois, mais avec une copie apparemment similaire (les titres communs sont nombreux chez les deux éditeurs). Pas encore de HD en France, mais continuons d’espérer.



Titre : Zombie 4 (After Death)
Année : 1988
Durée : 1h22
Origine : Italie / Philippines
Genre : Horreur/Gore/Zombies
Réalisateur : Claudio Fragasso
Scénario : Claudio Fragasso, Rossella Drudi

Acteurs : Jeff Stryker, Candice Daly, Massimo Vanni, Jim Gaines, Nick Nicholson, Don Wilson, Jim Moss, Adrianne Joseph, Maurizio Cerantola

 After Death (Oltre la morte) (1989) on IMDb


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Auteur : Ghoulish

Contaminé par le cinéma d'horreur depuis l'âge de sept ans ( avec 'La nuit des vers géants' de Jeff Lieberman ), Ghoulish ne l'a plus lâché depuis, tout en se passionnant pour d'autres genres ( policier, action, western, aventure, plus bien sûr fantastique et SF ). Ghoughoul a touché à la ( micro ) réalisation et a joué dans une paire de courts-métrages. Il se consacre davantage à l'écriture ( chroniques, nouvelles ). Cinéastes fétiches ? George Romero, Dario Argento, Lucio Fulci, Tobe Hooper, Stuart Gordon, Sam Peckinpah, Jacques Deray, Henri Verneuil.
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