[Film] Le Crime de l’Orient-Express, de Kenneth Branagh (2017)


Le luxe et le calme d’un voyage en Orient Express est soudainement bouleversé par un meurtre. Les 13 passagers sont tous suspects et le fameux détective Hercule Poirot se lance dans une course contre la montre pour identifier l’assassin, avant qu’il ne frappe à nouveau. D’après le célèbre roman d’Agatha Christie.


Avis de Iris :
On ne présente plus Agatha Christie, la romancière ayant inspiré plus de 150 œuvres adaptées de ses livres, films et séries télévisées confondus. Et 40 ans après l’adaptation de Sidney Lumet en 1974 de son Crime de l’Orient Express, c’est Kenneth Branagh qui reprend le flambeau, lui qui a su sublimer les œuvres de Shakespeare tant au cinéma qu’au théâtre. Cinq années pour l’équipe de production à s’entendre avec les héritiers de la célèbre auteure ont été nécessaires à l’achat des droits, 55M$US de budget investis, un casting trois étoiles à l’instar du Lumet de 74, tout ça en valait-il la peine ? La réponse est oui, malgré tout…

Alors je vais en premier lieu lever les problématiques liées à l’adaptation des œuvres littéraires, en extrémiste que j’ai coutume d’être, et je vais vous rassurer de suite : on est dans une fidélité qui fait plaisir aux puristes tout en prenant des libertés qui ne gâchent rien et qui apportent même un certain rythme au métrage. On rajeunit un peu les personnages, on les dépoussière, on inverse un personnage de romans, on change d’origine ethnique un autre, rien de bien méchant et cela passe facilement, surtout si la dernière lecture du roman remonte à 1992. On transforme une congère en avalanche pour le show et ça ne gêne pas plus que ça. On rajoute une scène pour présenter Hercule Poirot à un public supposé profane, why not ? Là où on sourit davantage c’est lorsqu’il se lance dans une course poursuite un peu musclée, et pour qui connait HP, autant imaginer un tournoi d’ultimate fight dans une maison de retraite mais bon, ça ajoute du rythme à ce huis clos. Il faut dire ce qui est, adapter aujourd’hui un roman aussi bon, aussi culte, aussi parfait soit-il n’est pas chose aisée et le public de 2017 ne s‘accommode que rarement de protagonistes de années 30 dans un huis clos confiné qui enchante certes à l’écrit mais appelle un certain coup de jeune en visuel. On accepte donc ici les choix de Michael Green au scénario (Logan, Blade Runner 2049, Américan Gods saison 1, bon et Alien Covenant aussi). Mais le fond du problème ne réside pas tant dans la fidélité à l’œuvre originelle qu’à ce qui en a été fait depuis 1934. Et qu’on le veuille ou non, après 24 ans, 13 saisons et 70 épisodes sur ITV et dans le monde de ses aventures éponymes, Poirot c’est David Suchet aux yeux du grand public. Et Branagh n’y pourra rien.

Mais quelle magnifique transition pour parler du casting Iris ! Je vous remercie, z’êtes bien aimables. Donc casting trois étoiles car il ne fallait pas en faire moins qu’en 74 où Lauren Bacall, Anthony Perkins, Sean Connery, Ingrid Bergman, Vanessa Redgrave, Jaqueline Bisset répondaient aux accusations d’Albert Finney (figurez-vous le casting de l’époque !). Cette fois, stars internationales (Johnny Depp, Michele Pfeiffer, Willem Dafoe etc) côtoient les étoiles montantes comme Daisy Ridley, notre jedi starwaresque du moment, le cahier des charges est donc respecté. Oui mais ne nous attendons tout de même pas à des prestations étonnantes, ils donneront le minimum, se contentant de donner la réplique sans jamais réellement l’élever à un autre rang que celui de la simple diction, éclipsés pour la plupart par un Hercule Poirot omniprésent, bien que certains de ses trait de caractère aient été gommés (son espièglerie, par exemple). Seule Michèle Pfeiffer saura nous émouvoir et oui, nos cœurs d’artichaut pourront verser une larme (ceci est tiré d’une histoire vraie). Oui mais c’est le jeu, Poirot ne fait pas de figuration, Poirot se met en scène, Poirot attire l’attention, Poirot dirige et Branagh le mettra tant par certains dialogues que par la mise en scène finale en comparaison avec Dieu, un hommage clinquant pour un homme qui ne se faisait pas une idée moindre de lui-même.

Mise en scène dites-vous ? Remagnifique transition Iris ! Combo ! Merci mais vous me flattez… Eh bien à l’instar du personnage incarné par Kenneth Branagh, elle est légèrement théâtrale et too much. De grands plans plongeants sur les montagnes peut-être employés trop souvent alors qu’une ou deux fois auraient suffi, un final quasi biblique que n’aurait pas renié De Vinci pour sa Cène, on frôle par moment l’overdose. Mais certaines idées sont excellentes comme la découverte du crime vue du dessus, les plans longeant le train avec leurs reflets et la vue de l’extérieur qui retranscrit bien l’effet « départ de train ». Le flashback est également bien amené. Un long plan séquence en gare d’Istanbul filmé en steadicam est également à saluer, un autre plan séquence en pénétrant dans le wagon restaurant l’est aussi. Enfin, filmé intégralement en 65mm le film s’offre une photographie magnifique et des images incroyablement belles. Bien que recréé en studio, le train et les décors n’en souffrent que peu (même si les puristes diront que oui ça sonne faux par moment et on ne les contredira pas) car de nombreux efforts ont été consacrés pour limiter les fonds verts auxquels ont été préférés écrans projetant de vrais paysages et décors reconstitués. Les costumes années 30 sont parfaits et très soignés, l’ambiance Orient express bien retranscrite, on embarque sans souci. C’est réussi et c’est vraiment beau. Le tout bercé par une bande son qui sert le propos et que l’on doit à Patrick Doyle (Donnie Brasco, Harry Potter et la Coupe de feu, Nanny McPhee).

LES PLUS LES MOINS
♥ La mise en scène
♥ La photographie
♥ L’histoire
⊗ Parfois too much
⊗ Je n’y arrive pas avec ce Poirot-là
Le crime de l’Orient-Express est un bon polar, il l’est depuis que la Reine du crime l’a voulu ainsi et cette adaptation lui rend hommage incontestablement. Beau, parfois inattendu, fidèle, ce film nous fait voyager. Oui mais, I’m so sorry Sir Branagh, comme d’autres avant vous, Hercule Poirot restera à jamais pour moi indissociable du célèbre crâne d’œuf de David Suchet. Cela dit, belles moustaches Monsieur.



Titre : Le Crime de l’Orient-Express
Année : 2017
Durée : 1h49
Origine : U.S.A
Genre : Crème de Poirot sauce étoiles
Réalisateur : Kenneth Branagh
Scénario : Michael Green d’après le roman d’Agatha Christie

Acteurs : Kenneth Branagh, Tom Bateman, Lucy Boynton, Olivia Colman, Penélope Cruz, Willem Dafoe, Judi Dench, Johnny Depp, Josh Gad, Manuel Garcia-Rulfo, Derek Jacobi, Marwan Kenzari, Leslie Odom Jr., Michelle Pfeiffer, Sergei Polunin, Daisy Ridley

 Le crime de l'Orient-Express (2017) on IMDb









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Auteur : Iris

Aime tout ce qui de près ou de loin fait appel à tout sauf au réalisme, fan de SF, tombée petite dans l’Heroïc Fantasy, amatrice de grandes sagas impliquant Elfes, nains et autres trolls, fan de vampirades en tous genres ou de délires Lycanthropiques. Peut se satisfaire de l’esthétique et relativement bon public dès lors que cela ne concerne pas les requins à trois têtes ou la nouvelle vague. Impressionnable en cas de scènes de torture ou d’esprit malfaisant, a parfois besoin de décompresser devant un gros blockbuster décérébrant.
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