[Avis] Dream Home, de Ho-Cheung « Edmond » Pang

Titre : Dream Home / 维多利亚一号 / 維多利亞壹號
Année : 2010
Durée : 1h36
Origine : Hong Kong
Genre : Crise Immobilière de Cat3

Réalisateur : Ho-Cheung « Edmond » Pang

Acteurs : Josie Ho, Chu-chu Zhou, Michelle Ye, Norman Chu, Eason Chan, Juno Mak, Lawrence Chou, Lap-Man Sin

Synopsis : Enfant, Cheng Lai-Sheung pouvait admirer le quartier Victoria de Hong Kong depuis les fenêtres de l’appartement familial. Elle s’est juré qu’un jour elle s’offrirait un appartement sublime dans ce quartier, avec vue sur la mer… Les années ont passé, et Cheng n’a pas oublié son serment. Elle assume deux jobs en même temps et va même jusqu’à voler des donnés pour les revendre à la concurrence. Mais elle ne va pas en rester là…

 


Avis de Juzz
:
Alors que le cinéma de Hong-Kong peine à offrir des productions de grandes qualité et qu’il a un mal fou à se renouveler, apparait sans crier gare Dream Home…
Edmond Pang est un cinéaste créatif toujours à la recherche de nouvelles expérimentations à faire (Exodus, Men Suddenly in Black…), et il s’est trouvé ici une acolyte de taille en la personne de Josie Ho (chanteuse, actrice et accessoirement fille de milliardaire), qui l’a choisi pour réaliser le premier film de la société de production qu’elle vient de créer.

Contrairement aux apparences, Dream Home n’est pas une banale petite Cat3 à prendre à la légère. C’est une grosse productions, réalisée par un cinéaste indépendant qui a pour habitude de pondre des ovnis cinématographiques qui ont toujours leur petit effet. Ici l’hommage à la Cat3, genre en voie de disparition, cache en fait une parabole sociale exprimée de manière claire et judicieuse.
La réalisation, le scenario et le montage proposent une narration hachée, mêlant l’instant présent à de multiples flashbacks qui interviennent toujours au moment où l’on s’y attend le moins, donnant un agréable effet de confusion et l’impression de suivre en fait deux films en parallèle.
On sent bien que le réalisateur s’est amusé de cette narration et qu’elle lui permet de magnifiques contrastes entre émotion et gore, déstabilisant ainsi le spectateur qui ne sait pas trop où donner de la tête. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça fonctionne parfaitement.

Le scénario est très fouillé, surtout en ce qui concerne la partie des flashbacks, grâce à qui on nous distille plus de vingts ans de frasques immobilière hong-kongaise… On y voit les évictions forcées d’un quartier qui rappelle fortement celui de Kowloon, on nous montre les images d’archives de la grève de la faim pour sauver le ferry de Queen’s Pier, et petit à petit, Hong-Kong apparaît presque comme un personnage secondaire à part entière. Le générique de début montre d’ailleurs de magnifiques images de la ville, s’attardant sur des quartiers assez pauvres constitués d’immeubles gigantesques et sur-dimensionnés, ternes, presque monochromes, dénonciateurs d’une misère ambiante qui gagne la ville dans des proportions gargantuesque qu’on n’imaginait pas.
Le double discours trouve ici un écho intelligent en dénonçant sans détour le gouvernement local, en crachant au visage des enjeux financiers qui affectent plus des trois quart de la population sans que ces derniers aient leur mot à dire, et qu’en plus, ils n’en n’ont pas les moyens, et bien sur en critiquant une société de consommation qui englouti peu a peu Hong-Kong et menace petit à petit de lui faire perdre son identité culturelle.

En parlant de la photographie, toute la partie technique du film est grandiose, et ça n’a rien d’etonnant lorsqu’on voit le staff qui s’est occupé du film, et dans lequel on retrouve, entre autres, Yu Lik-wai (chef operateur « attitré » de Jia Zhang-ke), Wong Chi-ming qui s’est occupé des lumières (un des collaborateurs récurrent de Wong Kar Wai) ou encore Tu Duu-Chih, référence mondiale en ce qui concerne le son (qui a travaillé, par exemple, sur quasiment tous les films de Hou Hsiao Hsien).
L’esthétique des scènes gores est d’ailleurs très soignée, que ce soit dans les mouvement de camera, les effets spéciaux et maquillages, les couleurs, les tons, les cadres, la lumières… A la fin de chaque décès on a le droit a un angle particulier qui nous donne l’impression d’un tableau.
Pour ce qui est du casting, on se régale avec les différents cameo, la plupart des personnages sonnent juste et il n’y a pas grand chose a dire, sinon que le jeu de l’actrice principale, Josie Ho, est un peu inconstant, mais cela ne gâche pas le métrage pour autant. Elle réussit même admirablement a concilier les deux parties entremêlées du film, et c’est grâce a elle qu’on atteint ce double paroxysme d’émotion brute et de cynisme cinglant.

En conclusion, on peut sans trop de mal admettre que ce film est excellent à plus d’un titre. Il se démarque largement des récentes productions Hong-Kongaise et jette une bouffée d’air frais et de gore qui fait plaisir à voir. Sans être un monument du cinéma, il reste en définitive un bon film, original et très bien construit, qui fait office de signal d’alarme et avec lequel Edmond Pang lance un appel à ses pairs, les invitant à réagir promptement, et il profite aussi du média cinématographique pour exposer la situation de l’immobilier à Hong-Kong à un niveau international. Une idée aussi brillante que divertissante.

Note : 8,25/10

Le Trailer :

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Auteur : Juzz

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