[Avis] Endhiran, de S. Shankar

Titre :Endhiran / Enthiran / The Robot / எந்திரன்
Année : 2010
Durée : 2h48
Origine : Inde
Genre : Science Fiction

Réalisateur :S. Shankar

Acteurs : Superstar Rajinikanth, Aishwarya Rai Bachchan, Danny Denzongpa, Santhanam, Karunas, Devadarshini, Sabu Cyril, Kalabhavan Mani, Revathi Sankaran, Delhi Kumar, Cochin Haneefa, Raaghav, Shriya Sharma

Synopsis : Le docteur Vaseegaran (Rajinikanth) est un scientifique spécialisé dans le domaine de la robotique. Après une décennie de recherches, il concrétise enfin son projet : la création d’un androïde appelé Chitti Babu (Rajinikanth) doté de capacités incroyables et capable de ressentir les émotions. Il destine son projet pour l’armée indienne mais son ancien mentor, le docteur Bohra (Danny Denzongpa) le discrédite par jalousie. Après avoir été humilié lors de la présentation du robot à l’AIRD (Artificial Intelligence Research and Development Institute), le docteur Vaseegaran se débarrasse de Chitti qui devient de plus en plus encombrant … venant même à draguer sa propre petite amie Sana (Aishwarya Rai). Le prototype est récupéré par le docteur Bohra qui va le transformer en une redoutable machine de guerre …

Avis de Laurent : Il aura fallu une décennie de pré-production pour enfin voir se réaliser le projet cinématographique indien le plus ambitieux qu’il nous ait été donné de voir. Endhiran (Robot) marque l’incursion la plus mémorable du cinéma indien dans le domaine de la science fiction (genre rarement porté à l’écran en Inde). Et c’est à Madras que ce projet complètement fou va prendre forme. Pour la petite histoire, le budget faramineux (Endhiran est le film le plus cher jamais réalisé en Inde) et l’instabilité de son casting ont sans cesse retardé le tournage du film. Tous les acteurs bankables ont été associés à un moment ou à un autre au projet (Shahrukh Khan, Amitabh Bachchan, Aamir Khan ou encore Hrithik Roshan). Au final, on retrouve aux manettes S. Shankar qui est une nouvelle fois associé à Superstar Rajinikanth après un Sivaji The Boss tout à fait oubliable.

Endhiran est « LE » blockbuster indien par excellence. Traduisez cela par le fait qui décline tous les genres possibles et imaginables dans une œuvre aussi fourre tout que jubilatoire. Au programme, « Superstar » Rajinikanth (l’acteur le plus adulé dans le monde pour les incultes) incarne un scientifique qui donne naissance à un androïde, Chitty, doté de capacités incroyables. Il peut même ressentir (maladroitement) des émotions. Et comme il faut rentabiliser le cachet énorme de Rajinikanth, celui-ci incarne aussi le rôle de Chitty le robot à la coupe de cheveux aussi funky qu’improbable (un mix entre James Brown et Philippe Gildas) et au bronzage aussi naturel que celui de notre vénéré BHL national. Endhiran n’est donc pas un simple film de science fiction tamoul (c’est déjà pas mal pour attirer le curieux). C’est aussi une histoire d’amour entre un soixantenaire moumouté, bedonnant et moustachu avec une ex-Miss Univers 1994 (Aishwarya Rai Bachchan), une comédie navrante, un film d’action d’une générosité inégalée ainsi qu’un drame humaniste poignant.

Après une première partie assez difficile à digérer qui pose mollement le contexte, vient s’enchaîner un festival de séquences déjantées. Celles-ci marquent l’apothéose du savoir faire inégalé des cinéastes tamouls dans le domaine de l’actionner populaire et décérébré. Une fois lancé, Endhiran ne s’arrête plus … tel un rouleau compresseur d’une rare intensité graphique, parfois drôle, souvent violent. Endhiran casse tous les stéréotypes (injustifiés) qui caractérisent le cinéma indien soi-disant aseptisé et fleur-bleue. Endhiran charcute gratuitement aussi bien les fonctionnaires que les innocents civiles qui croiseront un Chitty « on fire » après avoir été reprogrammé par un scientifique véreux. Une belle leçon de subversivité aux studios de plus en plus indigestes de Bombay ainsi qu’Hollywood. Dans l’opulence cinématographique, Endhiran fait clairement la nique à la franchise des Transformers dans lequel les spectateurs se sentent plus concernés pas les protubérances mammaires de Megan Fox que des robots. S. Shankar renoue avec les cinéastes sous opioïdes qui ont fait la renommée des films indiens des années 80 avec une inspiration digne d’un Tsui Hark des grands soirs. Pour résumer, chaque plan est une œuvre d’art et la folie créatrice touche à mainte reprise le septième ciel orgasmique. Jusque là cinéaste laborieux, S. Shankar soigne sa réalisation pour qu’aucun millimètre de pellicule ne soit à jeter lorsque le film s’emballe. Et finalement, cette apogée filmique s’apprécie d’autant plus que la première partie un poil trop massala laissait craindre le pire.

Une fois n’est pas coutume, les effets spéciaux sont de très haute tenue quand on voit le niveau général des productions indiennes. S. Shankar nous fait l’agréable plaisir d’alterner brillamment des CGI convainquants avec des effets old school salutaires. Quel plaisir de retrouver les bons vieux animatroniques des familles ! La trame a un petit côté Frankenstein mais s’il y a bien une source d’inspiration concernant l’esthétique du film et des robots, elle est à chercher du côté de Terminator. S. Shankar ne s’en cache pas, venant même à repomper sans vergogne la séquence de l’opération oculaire. Sans faire offense à l’univers mis en scène par James Cameron, Endhiran peut être considéré comme le remake tamoul de Terminator avec à la fois la rage de T1 et la légèreté de T2. Sans compter que Rajinikanth compense ses lacunes musculaires avec une virilité pilaire à rendre jaloux un Schwarzenegger imberbe. Chaque regard de Rajinikanth hypnotise les pupilles du spectateur. Avec ce double rôle dans lequel il aime à changer de look (Shivaji entrait déjà dans ce délire), il bouffe littéralement le reste du casting. Aishwarya Rai Bachchan en devient presque transparente (et polluée par un doublage tamoul regrettable).

Blindé de qualités, Endhiran n’est pourtant pas exempte de défauts. Sans revenir sur la mise en place de l’intrigue qui manque de cohérence et de rythme dans sa première partie, le principal défaut que l’on pourrait reprocher au bijou de S. Shankar résulte de la partition inaudible d’un A. R. Rahman qui ferait mieux de trouver son inspiration ailleurs que dans les boîtes de nuits de Madras. Dommage, d’autant plus que la mise en scène des séquences musicales sont bonnes, les chorégraphies parfaitement maitrisées et les décors originaux (alternant cadres naturels et tournages en studio). L’esthétisme touche parfois le génie dans le domaine du kitch assumé (les lions robotisés en plastique avarié en sont le plus beau témoignage). Enfin, le côté spontané qui caractérise en règle générale les actionners tamouls se perd parfois dans une réalisation parfaitement préparée … Seule la première partie laisse la place à un peu d’improvisation.

Endhiran est donc « LE » pop corn movie tant fantasmé qui réduit les écarts techniques entre le cinéma indien et le cinéma mainstream occidental. Le plus salutaire dans tout ça est que le film de S. Shankar garde de sa spécificité locale tant bien même qu’une grande partie de l’équipe technique vient aussi bien d’Inde, que de Hong Kong, de Corée du Sud ou des Etats-Unis. Cette œuvre étonnamment ouverte à l’international (les films tamouls s’exportent très peu) est profondément ancrée dans des codes cinématographiques locaux. Cette singularité entre modernisme et tradition en fait un film unique et indispensable pour tous les amoureux de cinéma populaire et généreux.

Note : 8/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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